Introduction
Pourquoi l’État finance-t-il l’éclairage public ou la défense nationale sans passer par un marché classique ? Pourquoi les ressources naturelles comme les océans, les forêts ou l’atmosphère sont-elles souvent surexploitées ? Ces situations renvoient à deux catégories particulières de biens : les biens collectifs et les biens communs.
Leur nature empêche le marché de fonctionner efficacement et illustre une défaillance de marché, notion centrale du programme de SES en Première dans le thème consacré aux sources et défis de la croissance économique. En effet, dans ces cas, le marché n’assure pas une allocation optimale des ressources : il ne fournit pas certains biens essentiels (biens collectifs) et en détruit d’autres par surexploitation (biens communs).
Les biens collectifs : un problème de passager clandestin
Un bien collectif pur se définit par deux caractéristiques : il est non exclusif (on ne peut empêcher personne d’en bénéficier) et non rival (la consommation d’un individu n’empêche pas celle des autres). L’éclairage public ou la défense nationale en sont des exemples classiques. Plus récemment, le climat stable est qualifié de bien collectif global : aucun pays ne peut être exclu de la protection contre le réchauffement climatique, et la préservation du climat profite à tous simultanément.
Cette nature particulière engendre une défaillance de marché. Le problème du passager clandestin explique pourquoi : chacun peut bénéficier du bien sans contribuer à son financement, si bien qu’aucun acteur privé n’a intérêt à le produire. Résultat, le marché privé ne fournit pas ou pas assez de biens collectifs, alors même qu’ils sont indispensables au fonctionnement de la société.
Il faut aussi rappeler que les biens collectifs « purs » sont rares dans la réalité. Beaucoup sont en fait mixtes ou « impurs » : ils ne sont pas totalement non rivaux ou non exclusifs. Par exemple, une autoroute à péage reste non rivale tant qu’elle n’est pas saturée, mais devient exclusive grâce au péage. Une chaîne de télévision payante est non rivale (plusieurs spectateurs peuvent regarder en même temps), mais exclusive car elle nécessite un abonnement.
À retenir
Les biens collectifs échappent à la logique de marché car personne ne veut les financer. Ils illustrent une défaillance de marché par absence d’offre privée, ce qui justifie l’intervention de l’État.
Les biens communs : la tragédie de Garrett Hardin
Les biens communs se distinguent des biens collectifs : ils sont non exclusifs mais rivaux. Tout le monde peut y accéder, mais la consommation d’un individu réduit celle des autres. Les poissons dans l’océan ou les forêts exploitées pour le bois en sont des exemples typiques.
Ce mécanisme a été analysé par Garrett Hardin en 1968 sous le nom de tragédie des biens communs : chacun a intérêt à consommer le plus possible avant que les autres ne le fassent, ce qui conduit à la surexploitation et parfois à la disparition de la ressource. Le marché échoue ici à internaliser la rareté : le prix ne reflète pas la diminution du stock et n’incite pas à limiter la consommation. On observe ainsi une inefficacité allocative : trop de ressources sont consacrées à l’exploitation immédiate, au détriment du bien-être collectif à long terme.
Pour résoudre ce problème, les économistes distinguent trois grandes voies de régulation :
La régulation par l’État : l’autorité publique fixe des règles contraignantes. Cela peut être des quotas de pêche pour éviter l’épuisement des stocks, des normes environnementales sur les émissions ou encore l’interdiction de certaines pratiques destructrices. L’État agit ici comme arbitre, garant de l’intérêt général.
La régulation par le marché : elle consiste à créer des droits de propriété ou des droits échangeables. Par exemple, attribuer à certains pêcheurs l’exclusivité sur une zone maritime incite à préserver la ressource, car ils ont intérêt à ce qu’elle se renouvelle. Le système européen de quotas d’émission de CO₂ illustre aussi ce mécanisme : les entreprises doivent acheter ou vendre des droits à polluer, ce qui met un prix sur la pollution et incite à réduire les émissions.
La régulation par les communautés locales : analysée par Elinor Ostrom (prix Nobel 2009), cette approche repose sur des règles établies collectivement par ceux qui utilisent la ressource. Par exemple, dans certains villages, les habitants organisent une rotation de l’usage des pâturages ou fixent ensemble des périodes de pêche. Ce type de gestion, fondé sur la coopération et la confiance, a prouvé son efficacité dans de nombreux contextes.
Ces trois voies correspondent aux grands mécanismes de correction des défaillances de marché étudiés dans le programme : intervention publique, incitations marchandes et gestion collective. Elles montrent que la régulation des biens communs est une question d’organisation sociale autant qu’économique.
À retenir
Les biens communs, comme les ressources naturelles, sont surexploités car la rareté n’est pas prise en compte par le marché. Trois voies de régulation existent : l’État (quotas, normes), le marché (droits de propriété, quotas échangeables) et les communautés locales (gestion collective).
Conclusion
Biens collectifs et biens communs montrent que le marché, livré à lui-même, est incapable d’assurer une allocation optimale des ressources. Les premiers ne sont pas produits spontanément à cause du passager clandestin, tandis que les seconds sont surexploités selon la logique décrite par Hardin. Ces défaillances justifient des interventions diverses : l’action de l’État, la création de droits de propriété ou encore la gestion communautaire telle que l’a analysée Ostrom. L’exemple du climat, bien collectif global, illustre l’importance contemporaine de ces enjeux : sans régulation collective, la société risque de détruire des biens essentiels au bien-être et à la croissance de long terme.
