Alcools d'Apollinaire : fiche de lecture (ancien programme)

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I. Résumé de l'œuvre

Résumer un recueil de poèmes est beaucoup plus difficile à faire que dans le cas d’un roman ou d’une pièce de théâtre. C’est encore plus vrai pour Alcools qui est un recueil très hétéroclite. D’abord parce qu’il a été composé sur une longue durée, de 1898 à 1913, et que, en outre, les poèmes ne sont pas classés dans l’ordre chronologique de leur écriture. Ensuite, parce que les formes poétiques, de même que les thématiques abordées sont extrêmement variées. D’ailleurs, à part les neuf poèmes rassemblés sous le titre « Rhénanes », le recueil n’est pas structuré en différentes sections, comme le sont encore la plupart des œuvres poétiques au XIXe siècle.

II. Présentation de l'auteur

S’intéresser à la vie d’Apollinaire est pertinent, car il affirme lui-même que ses poèmes reflètent son expérience, surtout dans Alcools : « Chacun de mes poèmes est une commémoration d'un événement de ma vie. » (Lettre à André Breton de 1916)


Apollinaire est né à Rome, en 1880, de nationalité polonaise. Il meurt à Paris en 1918, affaibli par une blessure de guerre et emporté par la grippe espagnole. Il vit donc exactement à cheval entre le XIXe et le XXe siècle, dans cette charnière qui opère le passage entre l’ancien et un nouveau monde.

Son enfance est romanesque, marquée par de multiples voyages et son statut d’apatride en France. Dès 1900, il s’installe à Paris, exerce de petits travaux et commence à écrire de petits textes : ce monde urbain est évoqué dans le recueil. C’est là qu’il choisit son nom de plume Guillaume Apollinaire (qui renvoie à Apollon, le dieu grec des arts et de la poésie).

En 1902, alors qu’il est précepteur dans une famille allemande, il connaît une histoire d’amour compliquée avec Annie Playden : c’est la période rhénane qui occupe une place importante dans Alcools.

En 1907, nouvelle histoire d’amour troublée, cette fois avec la peintre Marie Laurencin, qui est également présente dans le recueil.

En 1911, il est emprisonné parce qu’il est soupçonné d’avoir participé au vol de la Joconde au Louvre : cet événement est évoqué dans certains poèmes.


Apollinaire publie de nombreux textes en association avec d’autres artistes avant-gardistes : l’image occupe une place importante. Cette idée se retrouve dans le recueil de Calligrammes, des poèmes dont le texte forme une image. En 1913 est publié Alcools : s’il ne contient pas d’images, la présentation formée par les strophes et la longueur des vers est à prendre en compte.

III. Présentation du contexte (littéraire, culturel, etc.)

Au début du XXe siècle, la vie est marquée par la modernité technique, qui est un thème central du recueil : engins motorisés, métro, automobile, avion, électricité, éclairage, téléphone, phonographe, etc.


La vie culturelle est également très intense, marquée par des avant-gardes littéraires et picturales. Ainsi, les futuristes italiens s’inspirent du progrès technique et de la vitesse dans leurs créations. Apollinaire est surtout influencé par le cubisme, un courant qui montre le réel à travers des formes géométriques : il est un grand ami de Picasso et Braque ; un poème de Alcools est dédié à André Salmon, autre défenseur du cubisme. À la fin de sa vie, Apollinaire suit le mouvement dadaïste, qui entend détruire toutes les normes esthétiques. Ce courant deviendra le surréalisme : c’est Apollinaire qui invente ce mot dans sa pièce Les Mamelles de Tirésias, drame surréaliste.

IV. Problématiques majeures de l'œuvre

La modernité est une problématique majeure.

D’abord dans les thèmes : contre les normes esthétiques, Apollinaire introduit dans la poésie les réalités du quotidien qui marquent le début du XXe siècle, ainsi que les progrès techniques que l’on a vus plus haut.

Mais c’est aussi une modernité poétique qui s’écarte des codes. Les vers sont souvent libres et radicalement hétérométriques (ils n’ont pas le même nombre de syllabes). La ponctuation est totalement absente : grâce à ce flou dans la grammaire, de nouveaux rapprochements inattendus naissent entre les mots. On trouve aussi quelques néologismes (des mots inventés par le poète). Néanmoins, la tradition n’est pas entièrement détruite : certains poèmes ont des vers et des strophes réguliers ; la rime est souvent respectée. En fait, Apollinaire joue avec les codes et propose des formes très différentes.


Le thème de l’amour est important dans le recueil. On a vu que les histoires d’amour entre Apollinaire et deux femmes sont évoquées dans plusieurs poèmes. Apollinaire n’innove pas dans l’utilisation de ce thème en poésie, mais dans Alcools, l’amour est teinté à la fois d’érotisme, de tristesse et de mélancolie. Aussi, le souvenir du temps passé est une thématique majeure de l’œuvre.


La mythologie est présente tout au long du recueil : en cela, Apollinaire s’inscrit en continuité avec le passé. Il s’agit aussi bien de la mythologie biblique que de la mythologie germanique, notamment dans les poèmes rhénans.


L’ivresse est présente dès le titre du recueil (la première idée d’Apollinaire était Eau de vie) et parsème les poèmes. C’est aussi bien l’ivresse au sens propre, par l’évocation de l’alcool et du vin, que d’une ivresse métaphorique liée à la vitesse, à l’amour, à la poésie.

V. Les passages phares de l’œuvre

Le poème le plus important du recueil, et c’est pourquoi Apollinaire l’a placé en premier alors qu’il a été écrit en dernier, est « Zone ». En effet, toutes les problématiques que l’on vient de voir y sont abordées. La forme est très moderne : les vers sont hétérométriques, les strophes irrégulières, les rimes très approximatives (« Christianisme » / « Pie X »). Le mouvement est central, tant dans la forme comme dans les thèmes. Le thème de la modernité est omniprésent : l’aviation, la ville du quotidien, les petits métiers, les journaux (le poète introduit même des chiffres dans de la poésie !). La mythologie, surtout biblique à travers les références au christianisme, mais aussi de toute origine, est omniprésente. Enfin, l’ivresse est abordée à la fin, comme un art poétique : « Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie / Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie ».



D’autres poèmes sont très importants. Les deux poèmes suivants, notamment : « Le pont Mirabeau », qui lie amour et passage du temps, avec une structure construite autour d’un refrain, et « La chanson du Mal-aimé », qui traite des amours malheureuses du poète. Le cycle des « Rhénanes » occupe une place particulière dans l’œuvre et dans la vie du poète : il offre de beaux liens entre amour et mythologie germanique. Enfin, comme dans tout recueil, la fin est importante : le dernier poème, « Vendémiaire », offre une lecture métapoétique de l’ivresse.