Les systèmes d’énonciation

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Tout énoncé est produit par un énonciateur, adressé à un destinataire dans une situation de communication. L’énonciation (relation de l’énonciateur à son énoncé et au destinataire, relation à un lieu, à un moment...) s’exprime par différents moyens linguistiques.

1 - Discours et récit

On distingue deux plans de l’énonciation, selon que le locuteur s’implique dans son énoncé (énonciation de discours) ou qu’il prend ses distances (énonciation historique ou de récit). L’emploi des personnes et des temps des verbes, entre autres, se fait en fonction de ce choix.

A. Une énonciation impliquée : le discours

L’énonciateur du texte se désigne en tant que tel sous la forme du pronom je (ou de ses équivalents : nous, le déterminant possessif de 1re personne : mon, ma, notre, nos...) et s’adresse à un interlocuteur souvent marqué dans le texte par tu ou vous.

Les trois temps de base sont le présent, le passé composé, le futur, reliés à l’actualité de l’énonciateur.

Les indicateurs spatio-temporels se situent également par rapport au lieu et au moment de l’énonciation et se réfèrent à l’ici et au maintenant : des adverbes (hier, demain, ici, là) ou des groupes nominaux (la semaine passée, l’année dernière, l’année prochaine).

Tous ces éléments ne peuvent être compris que par rapport à la situation de l’énonciateur. On les appelle des déictiques. Ma paroisse est une paroisse comme les autres. Toutes les paroisses se ressemblent. Les paroisses d’aujourd’hui, naturellement. Je le disais hier à M. le curé de Norenfontes. (G. Bernanos)

Les mots « récit » et surtout « discours » ont diverses acceptions. Dans l’étude de l’énonciation, ces deux mots se comprennent par opposition de l’un à l’autre.

B. Une énonciation à distance : le récit ou énonciation historique

Les informations données par l’énonciateur sont coupées de la situation d’énonciation : on emploie seulement la troisième personne (il ou elle). L’infante cheminait. Elle alla bien loin. (C. Perrault)

On emploie certains temps verbaux (passé simple = temps de base) à l’exclusion de certains autres (comme le futur). Il était une fois un roi et une reine qui étaient fâchés de n’avoir point d’enfants. Ils allèrent à toutes les eaux du monde, vœux, pèlerinages, menues dévotions, tout fut mis en œuvre, et rien n’y faisait. (Id.)

On emploie des expressions spatio-temporelles qui ne peuvent être comprises qu’en référence à des repères donnés dans le texte : le lendemain, trois jours plus tard, à cet endroit-là...

Certains temps, comme l’imparfait, peuvent être employés dans les deux systèmes. Le présent se rencontre dans l’énonciation historique quand il exprime une vérité générale.

2 - La mixité énonciative dans les textes

Cette distinction entre récit et discours ne doit pas masquer la complexité du fonctionnement réel des textes, qui présentent souvent une imbrication des deux systèmes d’énonciation.

A. La mixité simple

De très nombreux textes, notamment des romans, présentent une alternance des deux systèmes. Ils comportent du discours direct, qui a les caractéristiques de l’énonciation de discours. Ce discours direct est inséré dans un récit, qui a, lui, les caractéristiques d’une énonciation historique. Raphaël fut entouré de ses amis [...]. − Mon cher, dit l’orateur, nous sommes à ta poursuite depuis une semaine environ. (H. de Balzac)

B. La mixité complexe

Les deux systèmes peuvent s’imbriquer de façon plus complexe lorsqu’un récit au passé simple est conduit à la 1re personne du singulier : Un soir, je m’étais égaré dans une forêt [...] ; bientôt je vis le jour s’éteindre autour de moi et je goûtai [...] le beau spectacle d’une nuit dans les déserts du Nouveau Monde. (R. de Chateaubriand)

Certains textes peuvent mêler le passé simple au passé composé. Ces deux temps manifestent deux attitudes de l’énonciateur passant du lien vivant avec le passé à une distance narrative. Ai-je perdu la raison ? Ce qui s’est passé, ce que j’ai vu la nuit dernière est tellement étrange, que ma tête s’égare quand j’y songe ! [...] Ayant soif, je bus un demi-verre d’eau, et je remarquai par hasard que ma carafe était pleine. (G. de Maupassant)

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Je m'entraine

À quel plan d’énonciation se rattachent les textes suivants ? Quels en sont les indices ?

1. Pendant son sommeil, les cornes de la vigne [...], dont l’acidité d’oseille fraîche irrite et désaltère, les vrilles de la vigne poussèrent si dru, cette nuit-là, que le rossignol s’éveilla ligoté, les pattes empêtrées de liens fourchus, les ailes impuissantes... Il crut mourir, se débattit, ne s’évada qu’au prix de mille peines. (Colette, Les Vrilles de la vigne)

2. Mes cauchemars anciens reviennent. Cette nuit, j’ai senti quelqu’un accroupi sur moi, et qui, sa bouche sur la mienne, buvait ma vie entre mes lèvres. Oui, il la puisait dans ma gorge [...]. Puis il s’est levé, repu, et moi je me suis réveillé, tellement meurtri, brisé, anéanti, que je ne pouvais plus remuer. (G. de Maupassant, Le Horla)