Les déictiques

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Les déictiques n’ont de sens que par rapport à la situation d’énonciation.

1 - Définition

On appelle déictiques des termes appartenant à diverses classes grammaticales qui ne prennent leur référence qu’en relation avec la situation d’énonciation où ils sont employés : LUCIENNE − Mais croyez-vous donc, madame, que je suis ici par plaisir ! (G. Feydeau). Dans cette situation théâtrale, le spectateur identifie celle qui dit je (Lucienne) et celle à qui elle s’adresse, madame (Pontagnac), en apostrophe, qu’elle vouvoie. Il connait aussi le lieu (ici), le salon où elles se trouvent et la communication se fait dans le temps présent (suis). Si l’on transpose la subordonnée en discours indirect, on remplace tous les termes déictiques (un nom propre n’est jamais déictique : il désigne la personne qui porte ce nom) : Lucienne Vatelin demanda à Clothilde Pontagnac si celle-ci croyait qu’elle était dans le salon par plaisir.

Les déictiques s’ordonnent par rapport à trois repères majeurs : les partenaires de la communication ; le lieu de l’énonciation et les objets présents ; le moment de l’énonciation.

2 - Les pronoms et déterminants déictiques

A. Les pronoms personnels des 1re et 2e personnes du singulier : je, tu 

Ils désignent les partenaires de la communication : je désigne le locuteur, celui qui parle ou écrit ; tu est l’allocutaire, celui à qui le locuteur parle ou écrit.

B. Les pronoms personnels pluriels nous et vous, qui peuvent inclure il(s), elle(s)

Nous inclut le locuteur et une ou plusieurs autre(s) personne(s) : Je ne suis point inconnu dans cette ville : avant-hier au soir nous y arrivâmes mon maître et moi. (D. Diderot)

Vous inclut un ou plusieurs allocutaire(s) (= plusieurs toi ) et d’autres personnes (vous = toi et lui) : Le magistrat, prenant un air sévère, dit au porteballe et à son valet : « Vous mériteriez tous deux les galères, toi pour avoir vendu la montre, toi pour l’avoir achetée... » (Id.) Le vous de politesse remplace tu, te ou toi : Permettez, madame, c’est vous ! (G. Feydeau)

C. Les déterminants ou pronoms possessifs des 1re et 2e personnes 

Laurent, serrez ma haire avec ma discipline. (Molière) (ma haire = la haire de moi) Monsieur, vous avez une bien jolie femme. Je changerais bien avec la mienne. (G. Feydeau) (la mienne = ma femme)

D. Les déterminants ou pronoms démonstratifs

Le locuteur peut joindre le geste à la parole, ce qui renvoie au sens premier de « deixis » qui signifie l’action de montrer, comme avec le démonstratif : Jamais, avant ce jour, il n’a mis les pieds dans cette maison. (Id.) → cette maison = la maison où nous sommes. « Retenu pour vous chambre 39. » C’est celle-ci qui m’a été désignée. (Id.) Dans la situation, le locuteur désigne avec le pronom démonstratif celle-ci la chambre devant laquelle il se trouve.

• On emploie également les démonstratifs dans les reprises anaphoriques.

• L’article défini peut aussi avoir une valeur déictique, comme le déterminant démonstratif, quand le GN désigne un référent identifiable dans la situation : Passe-moi le livre. (= ce livre, qui est sous tes yeux).

3 - Les compléments de lieu et de temps déictiques

Les compléments de lieu déictiques sont repérés par rapport au lieu de l’énonciation. Ce sont des adverbes (ici, là) ou des groupes prépositionnels auxquels le déterminant démonstratif donne une valeur déictique : Viens ici ! Entrons dans cette chambre. Je me trouve bien ici, et je ne descendrai pas là-bas. (D. Diderot)

Les compléments de temps déictiques, repérés par rapport au moment de l’énonciation, sont des adverbes (maintenant, aujourd’hui ; demain, après-demain... ; hier, avant-hier...) ou des groupes nominaux (la semaine prochaine / dernière..., ce matin, ce soir, cette nuit, cette année...). Le déterminant démonstratif ou l’article défini donnent à ces groupes leur valeur déictique. Ces compléments de temps peuvent indiquer la coïncidence avec le moment de l’énonciation (maintenant, aujourd’hui...), ou bien un moment antérieur (hier, la semaine dernière...) ou postérieur (demain, la semaine prochaine...). Oh ! mais maintenant, je sais ce que je voulais savoir ! (G. Feydeau) Il n’est ici qu’en attendant ; ce soir peut-être ou demain matin [...], il sera transféré à Bicêtre. (D. Diderot)

Les temps du verbe contribuent au repérage temporel. Par défaut, le présent renvoie au moment de l’énonciation.

Quelques noms, notamment de parenté, sont des déictiques. Ainsi, papa et maman désignent normalement le père ou la mère du locuteur.

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Madame de Volanges marie sa fille : c’est encore un secret ; mais elle m’en a fait part hier. Et qui croyez-vous qu’elle ait choisi pour gendre ? Le comte de Gercourt. Qui m’aurait dit que je deviendrais la cousine de Gercourt ? J’en suis dans une fureur... [...] Et moi, n’ai-je pas encore plus à me plaindre de lui, monstre que vous êtes ? (P. Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses. La marquise de Merteuil au vicomte de Valmont)