Les catégories de services publics et leurs modes de gestion

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Les collectivités territoriales assurent une grande variété de services publics à l’image de leurs compétences, obligatoires, facultatives ou relevant de leur initiative. On peut distinguer les modes de gestion des services publics selon l’organe gestionnaire : soit le service public est directement ou indirectement géré par une personne publique, soit il est géré par une personne privée.

1 - Les principes

La loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) du 7 août 2015 a réservé aux communes la clause de compétence générale. Elles sont donc les seules collectivités territoriales susceptibles de créer des services publics, dits facultatifs, en dehors de leur bloc de compétences.

L’intervention d’une collectivité territoriale doit respecter, cependant, le principe de la liberté du commerce et de l’industrie par application des lois des 2 et 17 mars 1791, dites décret d’Allarde, interdisant, en principe, aux personnes publiques de concurrencer l’initiative privée. Dans cet ordre d’idée, l’action de la collectivité ne pourra avoir qu’un caractère subsidiaire.

2 - Les deux grandes catégories de services publics

Les critères de distinction de ces 2 catégories ont été posés par la jurisprudence.

Dans son arrêt du 16 novembre 1956 (Union syndicale des industries aéronautiques), le Conseil d’État a retenu 3 critères : l’objet du service, les modalités de fonctionnement et l’origine des ressources financières.

A - Les services publics administratifs (SPA)

Le plus souvent obligatoires, ils sont gérés par l’administration, en régie.

Les rapports entre un SPA et ses usagers, son personnel et les tiers sont régis par le droit public. En cas de contentieux, les litiges sont du ressort du juge administratif.

Au plan financier, ce sont des services financés par l’impôt, avec participation possible des usagers.

B - Les services publics industriels et commerciaux (SPIC)

Gérés par une personne privée, ils relèvent du droit privé. Les conditions de gestion d’un SPIC doivent être comparables à celle d’une entreprise commerciale. Par conséquent, les conflits intéressant les SPIC sont de la compétence du juge judiciaire.


Ce sont des services équilibrés en dépenses et en recettes par la participation des usagers dans un budget distinct ou annexe.

3 - Les modes de gestion directe ou de délégation des services publics

A - La gestion par une personne publique

Le service public peut être géré directement par la personne titulaire de la compétence (c’est la régie) ou le service public peut être géré par une personnalité juridique autonome (c’est l’établissement public).

1) La gestion directe

L’assemblée délibérante de la collectivité décide du mode de gestion de chaque service. Lorsque la gestion des services publics administratifs est exercée en régie, 2 formes sont possibles :

– la collectivité gère directement le service en prélevant sur son budget les moyens financiers, toutes les dépenses engagées sont imputables au budget de la collectivité. C’est la régie simple, qui est le mode normal de gestion des SPA ;

– la régie peut bénéficier de l’autonomie financière, sans disposer de la personnalité morale : cette formule de régie, dite autonome, permet de doter certains services d’un budget distinct et de respecter l’exigence d’équilibre financier. Ce type d’exercice est alors très proche du statut de l’établissement public.

2) L'établissement public

Les collectivités territoriales, lorsqu’elles ne gèrent pas directement une activité d’intérêt général, peuvent créer un établissement public. C’est une personne morale de droit public caractérisée par 3 principes : l’autonomie avec un budget propre alimenté par des redevances payées par les usagers et une comptabilité ; le rattachement à la collectivité créatrice ; et la spécialité limitant strictement l’établissement à sa compétence d’attribution. 

Un établissement public (centre communal d’action sociale, caisse de crédit municipal, office public d’HLM, hôpital, universités, collège et lycée...) peut gérer un SPA ou un SPIC (transport, eau, assainissement...). Il s’agit donc soit d’un établissement public administratif (EPA), soit d’un établissement public industriel et commercial (EPIC).

Un même établissement public peut parfois exercer des activités de SPA et de SPIC. C’est alors un établissement public à double visage, à l’exemple des chambres consulaires qui, pour certains aspects de leur activité, sont considérées comme intervenant dans le secteur industriel et commercial (actions de formation par exemple), et pour d’autres sont vues plutôt comme intervenant administratif (activité de réglementation et d’organisation d’une catégorie professionnelle).

Les établissements publics sont administrés par un conseil d’administration qui peut associer les représentants de la collectivité de rattache- ment, des représentants des usagers et de l’État, et parfois des personnes qualifiées dans le domaine d’activité de l’établissement.

Les établissements publics sont administrés par un conseil d’administration qui peut associer les représentants de la collectivité de rattache- ment, des représentants des usagers et de l’État, et parfois des personnes qualifiées dans le domaine d’activité de l’établissement.

B - Les principes de la gestion par une personne privée

1) Délégation de service public et marché public

La délégation de service public oblige le délégataire à supporter seul le risque financier de l’exploitation. En effet, dans le cadre d’un marché public, la rémunération est assurée par un prix versé par la collectivité au prestataire. La délégation de service échappe donc au cadre classique de la commande publique en raison du risque qu’elle fait supporter.
Le juge fait ainsi reposer la distinction entre délégation de service public et marché public sur le critère de la rémunération. Si le titulaire est rémunéré par un prix payé par la personne publique, c’est un marché public. Si la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation, c’est une délégation de service public (DSP).

Une collectivité publique, compétente pour exercer une activité de service public, peut décider, pour des raisons de souplesse ou d’efficacité, de confier la gestion de ce service public à une personne privée. Dès le début du 19e siècle, ce mode de gestion du service public est devenu courant pour la gestion des grands services publics (chemin de fer, distribution d’eau ou de gaz).

La loi Sapin du 29 janvier 1993, relative « à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques », a imposé de larges mesures de publicité et d’information pour l’exercice de la délégation de service public.

La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », arsenal anticorruption, comporte un train de mesures concernant aussi les collectivités territoriales dont : la création de l’agence française anti- corruption (articles 1 à 5), le statut du « lanceur d’alerte » (articles 6 à 16), le répertoire public des représentants d’intérêts (article 25), l’extension du champ du contrôle de la haute autorité pour la transparence de la vie publique (articles 27 à 32), et enfin la modernisation de la domanialité et de la commande publique (articles 34 à 40).

Ce texte s’inscrit dans une démarche de rationalisation et de modernisation de la commande publique initiée par la transposition des directives européennes de 2014 (ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et décret n° 2016-360 du 25 mars 2016). Les principales rubriques de cette réforme de la commande publique intéressent :

– la consécration du principe de l’allotissement, un atout pour per- mettre aux opérateurs locaux d’accéder à la commande publique ;

– la liste des procédures formalisées, au nombre de trois –l ’appel d’offres (ouvert ou restreint) – le dialogue compétitif et la procédure concurrentielle avec négociation ;

– la parution prioritaire des avis de consultation au Journal Officiel de l’Union Européenne (le JOUE), avant toute publication nationale ;

– l’optimisation du délai de remise des offres : 35 jours pour les appels d’offres ouverts (30 jours si les plis sont dématérialisés) et 30 jours pour la procédure restreinte (25 jours si dématérialisation) ;

– la possibilité de régulariser les offres irrégulières (incomplètes) ;

– l’obligation d’information du rejet des offres.

Le décret du 25 mars 2016 a aussi codifié la réglementation relative aux modifications des marchés en cours d’exécution dans ses articles 139 et 140. Enfin, et selon le Plan de la transformation numérique de la commande publique, depuis le 1er octobre 2018, la dématérialisation des marchés publics au-dessus de 25 000 euros est obligatoire. L’observatoire économique de la commande publique (OECP) en a donné le coup d’envoi. Ainsi, les pouvoirs adjudicateurs, et tout particulièrement les communes et les EPCI, doivent, dorénavant, être équipées d’un profil d’acheteur.

La réforme de la commande publique est entrée en vigueur le 1er avril 2019, afin de laisser aux acteurs le temps de s’approprier le nouvel outil que constitue alors le code de la commande publique : ce code a la vocation d’être une « boîte à outils » adaptée aux questions des praticiens tant dans les modalités de passation des marchés que dans l’appréciation des aspects contentieux. 

Le double objectif affiché de ce corpus est d’une part de renforcer la sécurité juridique des contrats ; d’autre part, de garantir l’accès et l’efficacité de la commande publique (laquelle représentait en 2016 près de 8 % du PIB).


2) Les deux formes de gestion déléguée

Ce sont la délégation unilatérale de service public – syndicats professionnels, certaines associations (communales de chasse, fédérations sportives), ordres professionnels (ordre des avocats, des médecins par exemple) – et la délégation contractuelle de service public.

Selon l’article L.1411-1 du CGCT, « une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé. 

La rémunération est liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service ».

Au final, la délégation contractuelle se caractérise par 6 points : c’est un contrat ; le contrat est passé par une personne morale de droit public ; le contrat est de droit public ; le contrat confie la gestion d’un service public à un tiers qui assumera le risque de gestion ; la nature du service délégué peut être un SPA comme un SPIC ; la rémunération du cocontractant est assurée principalement par l’usager.

C - Les principales formes de délégation

1) La concession

Technique la plus courante en matière de délégation contractuelle, la concession permet à la personne publique (l’autorité délégante) de confier, sous son contrôle, à une personne privée ou éventuellement publique (le concessionnaire) l’exécution d’un service public. L’administration reste libre du choix de son cocontractant. Toutefois, comme pour les marchés publics, elle est liée à des obligations de transparence et de publicité imposées par la loi (celles du 29 janvier 1993 et du 9 décembre 2016). Comme dans l’affermage, le concessionnaire exerce l’activité à ses risques et périls. 

Contrairement à l’affermage, le concessionnaire doit construire l’ouvrage et les équipements, puis faire fonctionner l’ouvrage. En contrepartie de ces investissements importants et du service fourni, il percevra une redevance (et non un prix comme dans le cadre d’un marché public) sur les usagers du service.


Il bénéficie également d’un droit à l’équilibre financier du contrat. Le concédant doit indemniser le concessionnaire des charges qui lui sont imposées en cours d’exécution au nom de la continuité du service public, de son adaptabilité et de son égalité. L’administration reste libre du choix de son cocontractant conformément aux obligations de transparence et de publicité prévues par les lois Sapin.
„La durée de la concession est en principe équivalente à la durée d’amortissement du bien.


À la fin de la concession, le concessionnaire remet gratuitement à la personne publique délégante, les ouvrages et équipements nécessaires au bon fonctionnement du service.

  • Exemple

Exemples de concessions

La concession d’une chaufferie, un contrat de concession du service des pompes funèbres, une concession municipale d’affichage ou encore d’eau potable et d’assainissement, la concession d’une usine d’incinération. Pour l’État, la forme la plus connue est la concession autoroutière.


2) L'affermage ​

Une personne publique (l’autorité délégante) décide de confier à une personne privée (le fermier) la gestion d’un service public pour une durée déterminée. Dans ce cas, les frais d’équipements (dits frais de premier établissement) sont à la charge de l’autorité délégante.

Le fermier se rémunère par des redevances, mais doit verser une surtaxe à la collectivité publique correspondant au droit de gérer le service public et à la jouissance des installations.

Le fermier exploite à ses risques et périls le service et les équipements.

  • Exemple

Exemples d'affermages

La restauration collective à partir d’une cuisine centrale construite par la commune, un parc de stationnement...


3) La régie intéressée 

La régie intéressée est un contrat par lequel une personne privée (le régisseur) fait fonctionner, à la demande d’une personne publique, un service public en percevant une rémunération de cette personne publique mais qui, à la différence de celle du fermier, n’est pas fonction des résultats financiers de la gestion. La rémunération du régisseur est forfaitaire, ce qui n’exclut toutefois pas que celle-ci soit variable en fonction des résultats de l’exploitation de l’activité. Le régisseur n’assume pas le risque lié à l’exploitation du service dans les mêmes proportions que le concessionnaire ou le fermier.

4 - Les contrôles de la délégation 

La collectivité doit impérativement contrôler l’exécution du service public. Ce contrôle porte sur les clauses et les résultats financiers des engagements pris par le délégataire, mais aussi sur la qualité et les conditions du service rendu.

Dans ces conditions, avant chaque 1er juin, le délégataire remet un rap- port tel que prévu par l’article L. 1411.3 du CGCT. Ce document est appelé à être soumis à l’organe délibérant de la collectivité concédante.

L’article L. 2143-4 du CGCT prévoit notamment que dans les communes de plus de 10 000 habitants et les EPCI de plus de 5 000 habitants, le contrôle doit associer des usagers au sein d’une commission consultative des services publics locaux. Cette instance est compétente pour tout service délégué ou exploité en régie.

Enfin, par application de l’article L. 1411-28 du CGCT, le contrôle de légalité organise un autre contrôle pouvant être conduit par la chambre régionale des comptes (CRC).