Le contrôle des actes des collectivités territoriales

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La France est un État unitaire décentralisé. Dès lors, si les collectivités territoriales bénéficient du principe constitutionnel de libre administration, elles restent soumises au contrôle de l’État. 

Les principes d’indivisibilité de la République française et de juridicité (légalité, normativité) encadrent l’autonomie des collectivités territoriales. Ainsi, les collectivités territoriales sont soumises à un contrôle de légalité de leurs actes et à un contrôle financier.

1 - Le contrôle de légalité des actes de collectivités territoriales

Selon l’article 72 de la Constitution, dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du gouvernement, est chargé des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. 

Le préfet est donc chargé de vérifier la conformité des actes pris par les collectivités territoriales et leurs établissements publics avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur.


Toutefois, les actes des collectivités territoriales sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu’à leur transmission en préfecture ; le préfet exerce donc un contrôle a posteriori. De plus, le nombre des actes soumis à l’obligation de transmission a été réduit. Enfin, la dématérialisation (voie électronique) a modifié les pratiques.

Par exemple, les actes pris par les autorités communales, obligatoirement soumis au contrôle de légalité, sont :

  • les délibérations du conseil municipal ou les décisions prises par délégation du conseil municipal en application de l’article L. 2122-22 à l’exception :
    • des délibérations relatives aux tarifs des droits de voirie et de stationnement, au classement, au déclassement, à l’établissement des plans d’alignement et de nivellement, à l’ouverture, au redressement et à l’élargissement des voies communales,​
    • des délibérations relatives aux taux de promotion pour l’avancement de grade des fonctionnaires, à l’affiliation ou à la désaffiliation aux CDG ainsi qu’aux conventions portant sur les missions supplémentaires à caractère facultatif confiées aux CDG ;
  • les décisions réglementaires et individuelles prises par le maire dans l’exercice de son pouvoir de police, à l’exception de celles relatives à la circulation et au stationnement ainsi que celles relatives à l’exploitation, par les associations, de débits de boissons pour la durée des manifestations publiques qu’elles organisent ;
  • les actes à caractère réglementaire pris par les autorités communales dans tous les autres domaines qui relèvent de leur compétence en application de la loi ;
  • les conventions relatives aux emprunts, aux marchés et aux accords-cadres, à l’exception des conventions relatives à des marchés et à des accords-cadres d’un montant inférieur à un seuil défini par décret, ainsi que les conventions de concession ou d’affermage de services publics locaux et les contrats de partenariat ;
  • les décisions individuelles relatives à la nomination, au recrutement; 
  • le permis de construire et les autres autorisations d’utilisation du sol et le certificat d’urbanisme délivrés par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale, lorsqu’il a reçu compétence ;
  • les ordres de réquisition du comptable pris par le maire ;
  • les décisions relevant de l’exercice de prérogatives de puissance publique prises par les sociétés d’économie mixte locales pour le compte d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale.

Une fois l’acte transmis au préfet, ce dernier procède à un examen sur le fond et la forme de l’acte. Mais le préfet contrôle uniquement la légalité de l’acte et il ne dispose d’aucun pouvoir pour en apprécier l’opportunité.


En cas d’irrégularité, le préfet peut adresser à la collectivité territoriale un recours gracieux dans un délai de 2 mois à compter de la réception de l’acte. Il précise l’illégalité dont l’acte est entaché et demande sa modification ou son retrait. Si la collectivité locale ne réserve pas une suite favorable au recours gracieux (refus ou rejet implicite), le préfet peut déférer au tribunal administratif l’acte qu’il estime illégal (le déféré préfectoral : recours de plein contentieux). Le préfet dispose d’un pouvoir d’appréciation dans l’exercice du déféré. Un rescrit administratif a été créé par la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique. Codifié à l'article L1116-1 du CGCT, le rescrit administratif voit ses modalités pratiques définies par le décret n° 2020-634 du 25 mai 2020. Les CT et les EPL peuvent solliciter du préfet une prise de position formelle sur un projet d’acte, avant son adoption. Celle-ci est ainsi rendue opposable au préfet. En effet, si le contrôle de légalité a été pris conformément à la position rendue, le préfet perd la faculté de recours au déféré préfectoral pour le contester, sauf changement de circonstances de droit ou de fait. C'est une immunité contentieuse partielle car le recours des autres tiers devant les juridictions est toujours ouvert. À l’inverse, le silence gardé par l’administration pendant 3 mois vaut absence de prise de position formelle et l’acte ne fait alors l’objet d’aucune immunité contentieuse.


2 - Le contrôle budgétaire (financier) des collectivités territoriales

Le budget d’une collectivité territoriale conduit à une délibération soumise à l’obligation de publication et de transmission au représentant de l’État. Le budget est soumis au double contrôle de légalité et budgétaire.


Le contrôle budgétaire des collectivités locales est prévu aux articles L1612-2 à L1612-20 CGCT. Il est exercé a posteriori par le préfet et les chambres régionales des comptes (CRC). 

Il vise à assurer le respect des règles applicables à l’élaboration, l’adoption et l’exécution des budgets des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Ainsi, ce contrôle porte sur :

  • la date d’adoption et de transmission du budget ;​
  • l’équilibre réel du budget ;
  • la date de vote, l’équilibre et le rejet éventuel du compte administratif ; 
  • l’inscription et le mandatement d’office des dépenses obligatoires.

Ainsi (art. L1612-2 CGCT), si le budget d’une collectivité territoriale n’est pas adopté avant le 15 avril de l’exercice auquel il s’applique, ou avant le 30 avril de l’année du renouvellement des organes délibérants :

  • le préfet saisit sans délai la chambre régionale des comptes ;​
  • la CRC, dans le mois, par un avis public, formule des propositions pour le règlement du budget ;
  • le préfet règle le budget et le rend exécutoire. Si le représentant de l’État dans le département s’écarte des propositions de la chambre régionale des comptes, il assortit sa décision d’une motivation explicite ;
  • à compter de la saisine de la chambre régionale des comptes et jusqu’au règle- ment du budget par le représentant de l’État, l’organe délibérant ne peut pas adopter de délibération sur le budget de l’exercice en cours. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le défaut d’adoption résulte de l’absence de communication avant le 31 mars à l’organe délibérant d’informations indispensables à l’établissement du budget. Dans ce cas, l’organe délibérant dispose de 15 jours à compter de cette communication pour arrêter le budget.

Par ailleurs, en cas de rejet du compte administratif par l’organe délibérant, une procédure particulière est prévue à l’article L1612-12 CGCT :

  • le représentant de l’État constate le rejet du compte administratif par délibération de l’organe délibérant et saisit sans délai la CRC du compte administratif rejeté. Le préfet joint à sa saisine de la CRC le compte administratif rejeté accompagné de la délibération de rejet et du compte de gestion établi par le comptable ;
  • la CRC formule, dans un délai d’1 mois, un avis sur la conformité du projet de compte administratif au compte de gestion ;
    – si la CRC constate la conformité des deux documents, le compte administratif rejeté est validé pour la liquidation des dotations de l’État et des prélèvements à effectuer visés au troisième alinéa de l’article L.1612-12,
    – par contre, si la CRC rend un avis de non-conformité du compte administratif avec le compte de gestion, la substitution ne peut alors s’opérer ;

  • la saisine de la CRC a pour effet de suspendre l’exécution du budget jusqu’au terme de la procédure. De plus, les pouvoirs de l’assemblée délibérante en matière budgétaire sont suspendus jusqu’au terme des procédures engagées.