La décentralisation depuis 1982

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Les principes juridiques de la décentralisation

La décentralisation territoriale et technique

Afin de permettre davantage de proximité avec les citoyens, les lois du 2 mars 1982, du 7 janvier et du 22 juillet 1983 ont mis en place la décentralisation.

La décentralisation est le transfert par la loi de compétences vers des territoires dénommées collectivités territoriales. Celles-ci sont au nombre de trois : les communes, les départements et les régions. La décentralisation fonctionnelle ou technique a pris un essor important avec la création des territoires de projet comme les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Les collectivités sont autonomes pour la mise en œuvre des compétences que la loi leur transfère. Elles disposent d’un budget que les conseils ont voté, en décidant du taux des impôts locaux, comme la taxe d’habitation.

Les régions sont les seules collectivités territoriales créées en 1982, les communes et les départements existaient depuis le 19e siècle.

Les collectivités territoriales sont créées par la loi et s’administrent librement


Selon l’article 72 de la Constitution du 4 octobre 1958, « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa.

Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon.

Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. »

Le principe de libre administration

Ce principe est posé dans les articles 72 et 34 de la Constitution. La libre administration a une portée normative. L’article 34 range, en effet, dans le domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources. Le législateur exerce pleinement cette compétence.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel a retenu une conception extensive du champ visé par la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales. Il en résulte, en outre, que la loi seule peut déterminer le cadre de l’organisation et du fonctionnement des collectivités, de leurs ressources et de leurs compétences.

La loi est, encore, la seule norme susceptible d’instituer à leur bénéfice des garanties procédurales, comme des obligations d’information ou de consultation. Le pouvoir réglementaire ne peut intervenir qu’en complément, pour préciser les modalités d’application ou de mise en œuvre des dispositions arrêtées par le législateur. Le volume de la partie législative du code général des collectivités territoriales (CGCT) en témoigne.

Des autorités élues avec une autonomie budgétaire

Les autorités qui gèrent les collectivités et leurs établissements publics sont des élus locaux ; ils le sont pour 6 ans. Les élus décident librement dans le cadre des compétences que les lois leur ont transférées. Par exemple, les conseillers régionaux décident des politiques de transports urbains et de la formation professionnelle pour les salariés.

L’État contrôle cependant la conformité au droit des délibérations et des arrêtés pris. Par exemple, pour les achats de fournitures effectués, une mise en concurrence est effectuée. Ce contrôle a lieu a posteriori et c’est le préfet du département qui agit.

Les différentes étapes de la décentralisation

La décentralisation a connu plusieurs étapes : Acte 1 en 1982/1983, Acte 2 en 2003/2004 et Acte 3 en 2014/2015.

L’Acte 1 : lois de 1982-1983

Avec la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, les régions deviennent des collectivités territoriales et la tutelle administrative des collectivités territoriales est supprimée pour être remplacée par le contrôle de légalité.

Le contrôle de légalité est effectué a posteriori : après décision prise, les actes administratifs et certains contrats (marchés publics, contrats d’emprunt) sont transmis en préfecture de département.

L’Acte 2 : lois de 2003-2004

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 inscrit dans la Constitution les principes de décentralisation et d’autonomie financière des collectivités locales, et instaure le référendum d’initiative locale et le droit à l’expérimentation des collectivités territoriales.

La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales concerne les transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales.

La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a notamment achevé et rationalisé la carte des intercommunalités et modifié les règles de fonctionnement des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Par ailleurs, cette loi de 2010 a créé les communes nouvelles, les métropoles et les pôles métropolitains.

L’Acte 3

3 lois importantes

La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (loi Maptam) a notamment confirmé le département, en qualité de chef de file pour l’action sociale, le développement social. Elle a créé trois métropoles : la Métropole du Grand Paris (MGP), la métropole de Lyon et celle d’Aix-Marseille. Celle de Lyon est une nouvelle collectivité territoriale, les deux autres sont des établissements publics de coopération intercommunale.

La loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral réduit le nombre de régions métropolitaines à 13 à compter du 1er janvier 2016.

La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) a supprimé la clause de compétence générale pour les départements et les régions et réorganisé les compétences de la Métropole du Grand Paris.


La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 dite loi 3DS

Elle permet de la souplesse dans la gestion des compétences territoriales, afin de mieux répondre aux spécificités des territoires. Plusieurs axes : différenciation territoriale, décentralisation sur la base du volontariat de 50 % du réseau routier national non concédé, modernisation de la loi SRU, prise en charge du financement du RSA par l’État, nouveau rôle du préfet qui devient délégué de l’ADEME et de l’Office Français de la Biodiversité.


Les motivations de l’Acte 3

L’idée principale est de clarifier l’exercice des compétences par les collectivités territoriales. En effet, la multiplication des compétences transférées, associée au maintien de la clause générale de compétences, a rendu illisible la carte administrative. De surcroît, les interventions se sont parfois multipliées à chaque niveau, sans cohérence d’ensemble. Ce qui a conduit certes à des rénovations du secteur public (collèges, lycées, routes départementales) mais aussi à des pratiques dispendieuses.

L’efficacité prime, mais la proximité demeure indispensable. C’est ce que souhaite concilier les différentes lois qui composent l’Acte 3 de la décentralisation.

L’acte 4 : le renforcement du niveau communal et la différenciation territoriale

Il est représenté par la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité ainsi que la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 dite loi 3DS :

– il s’agit de remettre le maire au centre, et d’assurer une meilleure représentativité des communes dans la gouvernance de l’intercommunalité ;

– davantage de flexibilité dans la répartition des compétences au sein du bloc communal ;

– de nouveaux pouvoirs de police sur les incivilités du quotidien pour les élus locaux (amendes administratives en matière d’urbanisme par exemple) ;

– la création d’un véritable statut de l’élu plus protecteur (VAE, formation, remboursement des frais de garde d’enfants).

Les principaux axes de la Loi dite 3DS sont :

– consécration du principe de différenciation territoriale : « dans le respect du principe d’égalité, les règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être différenciées pour tenir compte des différences objectives de situations dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales relevant de la même catégorie, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit proportionnée et en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit » (article L, article L1111-3-1 CGCT) ;

– confirmation des compétences des collectivités territoriales dans les domaines des transports (transfert de voirie nationale non concédée), du logement, de la transition écologique (transferts par l’ADEME aux régions des subventions en faveur de l’économie circulaire et de la transition énergétique) ;

– simplification du fonctionnement des institutions locales.

Exposé des motifs de la loi dite 3DS - 21 février 2022

En juillet 2017, dès la première Conférence des territoires, le Président de la République avait souligné que « l’égalité, qui crée de l’uniformité, n’assure plus l’égalité des chances sur la totalité de notre territoire ». À l’issue du grand débat national, alors qu’il était évident qu’un certain nombre de fractures au sein de notre pays se manifestait de manière territoriale, le Président de la République a demandé que soit élaboré un nouveau texte de décentralisation. Cette évolution du cadre de relation entre l’État et les territoires s’est imposée comme une priorité. Le Président de la République en a rappelé la nécessité lors de son intervention du 14 juillet 2020, ainsi que le Premier ministre lors de ses deux déclarations de politique générale, à l’Assemblée nationale le 15 juillet 2020 et au Sénat le 16 juillet 2020.

Le cycle de concertations régionales lancé en janvier 2020 ainsi que l’ensemble des concertations menées avec les associations d’élus ont permis d’en préciser les objectifs.

Sensible à la volonté de stabilité des acteurs locaux, le Gouvernement a considéré qu’il n’était pas souhaitable de modifier les grands équilibres institutionnels. L’ambition de ce texte est de répondre aux besoins de proximité et d’efficacité exprimés par les élus et les citoyens ces dernières années. La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique constitue une première réponse à cette demande d’une action publique plus proche des citoyens, en redonnant un certain nombre de pouvoirs d’action concrets aux maires. Il est désormais temps de construire une nouvelle étape de la décentralisation : une décentralisation de liberté et de confiance. Une décentralisation qui offre aux territoires les moyens d’être plus dynamiques, plus agiles face aux principaux défis auxquels ils font face : la transition écologique, le logement, les transports ainsi que la santé et les solidarités. L’Etat doit, à travers ses politiques publiques, mieux prendre en compte leur diversité et leurs singularités, pour leur permettre de continuer à construire ces réponses. Nos politiques publiques doivent mieux prendre en compte la diversité des territoires, sans pour autant rompre avec le principe cardinal d’égalité sur le territoire de la République. Un premier jalon a été posé en ce sens avec le projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution qui a été adopté à la quasi-unanimité par le Sénat le 3 novembre 2020 et qui sera soumis à l’Assemblée nationale au premier trimestre 2021. Ce projet de loi organique va permettre de faciliter les expérimentations pour les collectivités territoriales, afin qu’elles ouvrent la voie à une différenciation durable. Le projet de loi dit « 4D », pour différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification, vient parachever l’action menée par le Président de la République en faveur des territoires. La différenciation d’abord : la philosophie de ce projet de loi est bien, à l’instar du projet de loi organique, de la favoriser, en donnant aux collectivités les outils et moyens afférents. La décentralisation ensuite : en réponse aux demandes des élus locaux, cette loi va permettre d’achever le transfert de certains blocs de compétences. Le projet de loi comporte également un titre relatif à la déconcentration en redonnant une unité à la parole et à l’action de l’Etat sur les territoires et en offrant de nouveaux outils d’ingénierie aux collectivités. Enfin, le texte comporte un volet relatif à la simplification de l’action publique entendue comme un ensemble, qui a imprégné les autres titres du texte, et qui vise à porter des expérimentations de projets innovants en faveur des territoires, ainsi qu’un titre relatif aux outre-mer. Ces deux textes constituent la concrétisation de l’ambition du Gouvernement en faveur des territoires depuis 2017 pour favoriser, partout, les initiatives et les projets des collectivités territoriales. Ils s’inscrivent dans le renouveau de l’aménagement du territoire : programmes d’accompagnement (Action Cœur de Ville, Petites Villes de Demain, Territoires d’Industrie, etc.) mis en œuvre par l’agence nationale de cohésion des territoires, créée à cet effet le 1er janvier 2020 ; « contrats » et « pactes » déployés avec les collectivités territoriales. Avec toujours la même logique : mettre en commun les visions et efforts de l’État et des collectivités, donner aux élus les moyens d’adapter les politiques nationales aux besoins de leurs concitoyens. Et en définitive, faire confiance aux territoires. Le titre Ier, consacré à la différenciation territoriale, vise à adapter l’organisation des compétences des collectivités territoriales dans le respect de la Constitution. En effet, à droit constitutionnel constant et dès lors qu'une spécificité objective le justifie, le droit peut être adapté aux spécificités locales. Les transferts de compétences, qui furent l'essence des précédentes lois de décentralisation, doivent être accompagnés désormais d’outils nouveaux permettant de fluidifier les relations entre l'État et les collectivités territoriales. Ainsi, le Gouvernement souhaite développer les possibilités de délégation de compétences pour réaliser des projets spécifiques sur les territoires et élargir le champ d'action du pouvoir réglementaire local. Il souhaite également faciliter le recours à la consultation des électeurs dans les décisions publiques locales.