L'organisation juridictionnelle de la France

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La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (loi J21) vise à renforcer l’indépendance et l’efficacité du service public de la justice tout en le simplifiant pour davantage d’accessibilité.


1 - Les deux ordres de juridiction

En France, l’existence de deux ordres de juridiction s’explique par des raisons historiques qui datent de la Révolution de 1789. Les révolutionnaires refusaient que les tribunaux judiciaires soient compétents pour juger les affaires dans lesquelles l’administration était partie. Ces litiges devant cependant être jugés, les juridictions administratives ont progressivement été instituées.

A - L'ordre judiciaire et l'ordre administratif

Les juridictions de l’ordre judiciaire sont compétentes pour connaître des litiges opposant des particuliers entre eux (individus, associations, entreprises...) mais aussi des infractions pénales (contraventions, délits, crimes).

Les juridictions de l’ordre administratif sont compétentes pour connaître les litiges nés des activités de l’administration (entre les administrations ou entre un particulier et une personne publique, c’est-à-dire l’administration, une collectivité territoriale, une personne privée chargée d’une mission de service public).

Le Tribunal des conflits intervient en cas de conflit de compétence entre les deux ordres de juridiction et désigne l’ordre compétent pour trancher le litige.

B - Les principes fondamentaux de la justice

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CSDH) pose un certain nombre de principes fondamentaux applicables en droit français.

La règle du double degré de juridiction signifie que toute affaire doit pouvoir être jugée deux fois, tant sur les faits que sur le droit. Ainsi, tout jugement rendu en première instance peut être contesté devant une cour d’appel qui réexamine l’affaire sur les faits et sur le fond.

La gratuité de la justice garantit à tout citoyen le respect du droit d’accès à la justice et du principe d’égalité devant la justice. Ainsi, l’aide juridictionnelle permet aux personnes sans ressources ou aux revenus modestes d’obtenir la prise en charge, par l’État, de tout ou partie des frais de justice.

Le droit à un procès équitable garantit aux justiciables d’être jugés par un juge indépendant et impartial, en audience publique, dans le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense.

L’obligation de motivation des décisions de justice impose au juge d’expliquer les raisons de faits et de droit qui justifient sa décision. Ce principe garantit une justice impartiale et permet au justiciable de comprendre la décision de justice.

2 - Les juridictions de l'ordre judiciaire

En application du principe de l’unité des justices civile et pénale, l’ordre judiciaire regroupe les juridictions civiles et les juridictions pénales.

A - Le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire

Ce principe est posé à l’article 64 de la Constitution et reconnu par plusieurs textes internationaux (Déclaration universelle des droits de l’homme, Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne).

Toutefois, la question des magistrats du parquet (le ministère public) et de leur lien avec le pouvoir exécutif suscite des interrogations récurrentes quant à l’indépendance de la justice. Certains préconisent de renforcer le rôle du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), autorité constitutionnelle chargée notamment d’assurer la gestion de la carrière des juges.

Le décret du 5 décembre 2016 portant création de l’Inspection générale de la justice (IGJ) a suscité de vives inquiétudes quant à l’indépendance de l’autorité judiciaire. Toutefois, selon le gouvernement, l’IGJ présente les garanties de nature à préserver l’indépendance de l’autorité judiciaire. L’IGJ regroupe les compétences de l’Inspection générale des services judiciaires, de l’Inspection des services pénitentiaires et de l’Inspection de la protection judiciaire de la jeunesse.


B - Le juge judiciaire : gardien de la liberté individuelle

Ce principe est posé à l’article 66 de la Constitution.

Afin de renforcer la mission de l’autorité judiciaire, le juge des libertés et de la détention, magistrat du siège, a été créé. Il intervient dès que les droits des personnes sont mis en cause (détention provisoire, assignation à résidence avec surveillance électronique, placement sous contrôle judiciaire, interceptions téléphoniques...).

C - L'organisation des juridictions judiciaires

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1) La cour de cassation 

La Cour de cassation est la juridiction suprême de l’ordre judiciaire et siège à Paris, dans l’enceinte du Palais de justice.

Elle a pour mission de préserver la légalité des décisions de justice. Ainsi, la Cour de cassation est juge du droit et non des faits : elle n’aborde pas le fond de l’affaire mais vérifie que les décisions rendues par les juridictions sont conformes au droit (ce n’est pas un troisième degré de juridiction).

La Cour de cassation a aussi pour mission d’unifier la jurisprudence. Par ailleurs, elle peut renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité, soulevée à l’occasion d’un pourvoi en cassation ou transmise par une autre juridiction.


2) Les cours d'appel

Les cours d’appel sont des juridictions du deuxième degré. Elles réexaminent, en fait et en droit, les affaires jugées en première instance ou en premier ressort en matière civile, commerciale, sociale ou pénale (à l’exception des décisions des cours d’assises qui sont rejugées par une autre cour d’assises). Les décisions des cours d’appel sont susceptibles d’un pourvoi en cassation.

3) Les juridictions civiles

Les juridictions civiles sont compétentes pour régler les litiges entre personnes privées (physiques ou morales).

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a prévu, à compter du 1er janvier 2020, la fusion entre le tribunal de grande instance (TGI) et le tribunal d’instance (TI) au sein d’une nouvelle juridiction : le tribunal judiciaire. L’objectif vise à assurer une meilleure lisibilité de l’organisation judiciaire pour les justiciables. Toutefois, les TI non situés dans la ville du siège du TIG deviennent des tribunaux de proximité :

  • le tribunal judiciaire, juridiction civile de droit commun, est compétent pour les litiges de 10 000 euros et les litiges en matière de divorce, autorité parentale, filiation, état civil, succession, immobilier à l’exception de ceux confiés à une juridiction civile (tribunal de commerce, conseil des prud’hommes...) ;
  • le tribunal de proximité est compétent pour les litiges de moins de 10 000 euros et pour les litiges de crédit à la consommation.


4) Les juridictions pénales

Les juridictions pénales sont chargées de juger les personnes physiques ou morales soupçonnées d’avoir commis une infraction (contravention, délit, crime) : la cour d’assises (crime), le tribunal correctionnel (délit), le tribunal de police (contravention). La juridiction de proximité a disparu depuis le 1er juillet 2017 (loi J21).


5) Les juridictions d'instruction

Les juridictions d’instruction : le juge d’instruction, le juge des libertés et de la détention. Le juge d’instruction a pour rôle d’instruire les affaires les plus complexes ou celles nécessitant des investigations complémentaires. La saisine du juge d’instruction est obligatoire en matière de crime (article 79 du code de procédure pénale).


6) Une justice spécifique pour les mineurs

L’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est le texte de base pour la justice pénale des mineurs. Modifiée à de nombreuses reprises, elle pose le principe fondamental de privilégier une réponse éducative. Le juge des enfants est l’acteur principal pour la justice des mineurs. Il existe aussi le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs. Le tribunal correctionnel pour mineurs, créé par la loi du 10 août 2011, a été supprimé par la loi J21.

En France, l’âge de la majorité pénale est de 18 ans ; c’est l’âge à partir duquel une personne relève du droit pénal commun.

En France, l’âge de la responsabilité pénale est de 18 ans mais il peut être abaissé à 13 ans dans certains cas. C’est l’âge à compter duquel les mineurs sont considérés comme suffisamment âgés pour pouvoir commettre une infraction et pour être soumis à un droit pénal qui leur est spécifique, le droit des mineurs.

Plusieurs distinctions sont réalisées en fonction de l’âge des mineurs :

  • les mineurs de 16 à 18 ans relèvent d’un régime proche de celui des majeurs mais la priorité est donnée à l’action éducative ;
  • les mineurs de 13 à 16 ans peuvent faire l’objet de poursuites pénales mais dans un cadre procédural protecteur (en principe, absence de mise en détention provisoire). Ils bénéficient d’une présomption irréfragable de responsabilité atténuée ;
  • les mineurs de 10 à 13 ans peuvent être pénalement poursuivis si leur discernement est considéré comme suffisant. Ils encourent uniquement une mesure éducative ;
  • les mineurs de moins de 10 ans ne peuvent pas faire l’objet de poursuites pénales.

7) Les deux juridictions politiques

Deux juridictions politiques sont prévues par la Constitution :

  • la Haute Cour s’est substituée à l’ancienne Haute Cour de justice (loi constitutionnelle du 23 février 2007). Elle est compétente pour examiner la destitution du président de la République pour tout manquement à ses devoirs manifeste- ment incompatible avec l’exercice de son mandat ;
  • la Cour de justice de la République est compétente pour juger les crimes et délits commis par les ministres dans l’exercice de leurs fonctions.

3 - Les juridictions de l'ordre administratif

Les juridictions administratives sont le Conseil d’État, les cours administratives d’appel (8), les tribunaux administratifs (42) et les juridictions spécialisées.

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a introduit deux innovations dans le contentieux administratif : la médiation administrative et l’action collective.

Par ailleurs, l’ambition de moderniser la justice administrative, notamment pour traiter l’augmentation des requêtes, s’est concrétisée par les décrets du 2 novembre 2016 qui consolident la dématérialisation de la justice administrative (application informatique Télérecours) et simplifient la justice administrative.

A - Le Conseil d'État

Créé en 1799, le Conseil d’État est la juridiction suprême de l’ordre administratif (livre Ier du Code de justice administrative). Situé à Paris, au Palais royal, le Conseil d’État a une fonction consultative (conseil juridique du gouvernement, compétence administrative) et contentieuse (juge de l’administration).

Il est composé de fonctionnaires bénéficiant d’un statut particulier afin de garantir leur indépendance (les ordonnances du 13 octobre 2016 renforcent l’autonomisation du statut des magistrats administratifs et des membres du Conseil d’État).

Le Conseil d’État est :

  • juge en premier et dernier ressort : dans des situations très limitées (recours en matière d’élections européennes et régionales...) ;​
  • juge d’appel de certains jugements rendus par les tribunaux administratifs : dans des cas limités (recours en matière d’élections municipales et cantonales...) ;
  • juge de cassation : rôle essentiel du Conseil d’État. Il examine les recours dirigés contre les décisions des cours administratives d’appel et les décisions de certaines juridictions administratives dénuées de possibilité d’appel (Cour des comptes...).

Par ailleurs, comme la Cour de cassation, le Conseil d’État peut renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité.

B - Les cours administratives d'appel

Les cours administratives d’appel ont été créées en 1989 pour désencombrer le Conseil d’État. Elles sont implantées à Bordeaux, Douai, Lyon, Marseille, Nancy, Nantes, Paris, Versailles.
Elles ont pour mission de statuer en appel des décisions des tribunaux administratifs sous réserve des appels dévolus au Conseil d’État.

C - Les tribunaux administratifs

Les tribunaux administratifs sont les juridictions administratives de droit commun.

Outre cette attribution contentieuse, les tribunaux administratifs ont des attributions administratives, notamment un rôle consultatif auprès du préfet.

D - Les juridictions spécialisées

Les juridictions spécialisées sont nombreuses : la Cour des comptes, la Cour de discipline budgétaire et comptable, la Cour nationale du droit d’asile, la Commission centrale d’aide sociale...

La Cour des comptes a pour fonction juridictionnelle de contrôler les comptes rendus annuellement par les comptables publics ne relevant pas des chambres régionales des comptes. Elle dispose aussi d’attributions non juridictionnelles, par exemple la publication d’un rapport public annuel.

La Cour nationale du droit d’asile statue en premier et dernier ressort sur les recours dirigés contre les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides.