Sujet corrigé - Épreuve de français

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1 - Le sujet

ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE : UNE POLITIQUE ENCORE EN QUÊTE DE LÉGITIMATION

L’économie sociale et solidaire est encore souvent perçue comme une économie de la réparation. Ses défenseurs la considèrent au contraire comme une « économie de la transformation ».

Bonne nouvelle pour le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES) : celle-ci ne suscite plus simplement l’intérêt des collectivités engagées de longue date dans cette voie... L’ensemble des associations d’élus locaux ont en effet signé une charte d’engagement en faveur de l’économie sociale et solidaire au printemps. 2013. Une conséquence de la création d’un ministère délégué, en mai 2012, et du projet de loi qui sera discuté au Parlement à partir du 6 novembre ? Sûrement.

Mais, fondamentalement, « les valeurs de l’ESS trouvent un écho dans la crise sociale et économique que nous traversons. Elles correspondent à un nouveau mode d’organisation, un autre modèle de société fondé sur la coopération et pas seulement la compétition », résume Christiane Bouchart, présidente du RTES.
Malgré cet agenda politique, l’ESS reste peu, voire mal comprise par les collectivités. Celles-ci en sont pourtant les partenaires historiques en termes de financement et font de l’ESS sans le savoir ou sans le dire : « Les élus saisissent mal cet ensemble qui, pourtant, agit au quotidien sur les territoires, notamment ruraux », observe Frédéric Deck, président de la chambre de l’économie sociale d’Alsace.

Arrière-plan - Première explication : le fait associatif n’est pas relié, en matière de politique publique, à l’ESS. Certes, les associations sont perçues comme créatrices de lien social, de solidarité, voire d’emplois dans le territoire. Mais elles restent cantonnées dans une économie de la réparation, c’est-à-dire une économie sociale qui panse les plaies de celle de marché sans être inscrite dans une logique de développement local.

« Quand l’association d’aide à domicile crée cinq emplois à temps plein dans une commune, elle est rarement visitée par le conseiller général. En revanche, quand l’entreprise artisanale fait la même chose, elle est saluée par les élus », témoigne un chargé de mission.

Deuxième explication : la segmentation des politiques sectorielles empêche un affichage « ESS ». C’est le cas des circuits courts alimentaires dans beaucoup de collectivités.

Portée par les politiques agricoles, la mise en relation des producteurs et des acheteurs publics est rarement reliée à l’ESS, alors qu’elle en porte toutes les valeurs : accroissement de la valeur ajoutée, réduction des intermédiaires, création de nouveaux liens entre acteurs, etc. « L’ESS n’est pas forcément bien perçue par les élus ; quant aux agriculteurs, ils ne sont pas vraiment informés. Pour plus de simplicité, on gomme l’affichage ESS » ajoute une responsable de collectivité.

Rattachement institutionnel - Troisième explication : le secteur hésite entre une logique de statut et une logique de valeurs, même si la future loi devrait trancher le débat. « Élus et professionnels concernés construisent (ou tentent de le faire) une représentation du secteur qui, entre bricolages institutionnels et tâtonnements individuels et collectifs, consiste à [en] baliser les frontières », souligne Amélie Artis, maître de conférences à l’institut d’études politiques de Grenoble, dans une étude publiée en juillet. L’ESS peine alors à entrer dans le cadre des politiques publiques et à disposer d’un rattachement institutionnel clair. S’agit-il d’action sociale ou de développement économique ?

Pendant très longtemps, l’ESS a relevé, pour les collectivités, du social, notamment avec la dimension « insertion par l’activité économique ». Depuis une dizaine d’années, l’approche économique s’est imposée-progressivement, notamment à la faveur des politiques publiques des régions.

Aujourd’hui, c’est au tour des intercommunalités d’adopter une logique similaire. « L’ESS est de plus en plus perçue comme facteur de développement local et d’attractivité », résume Denis Dementhon, responsable du développement territorial chez France Active – fonds d’investissement solidaire finançant l’ESS.
La montée en puissance de la figure de l’entrepreneur social s’inscrit dans ce processus de légitimation. Elle est d’autant plus séduisante en période de disette budgétaire que ce dernier entend faire la preuve que les entreprises de l’ESS peuvent développer un projet rentable et ne pas vivre sous perfusion d’argent public. Avec un argument massue : « l’ESS produit des emplois non délocalisables », entend-on dans tous les discours et colloques. (... )

Thouvenot, La Gazette des communes - 21/11/2013

EXERCICE 1 – QUESTIONS SUR LE TEXTE

(Notation : 12 points)

Les réponses aux questions suivantes devront être entièrement rédigées. Vous veillerez à formuler vos réponses en vous dégageant des mots du texte.

1. (3 points)
a. Qu’est-ce qu’une économie de la réparation ?
b. Qu’est-ce qu’une économie de la transformation ? 
c. Qu’est-ce qu’une économie de marché ?

2. (3 points) Pourquoi l’économie sociale et solidaire est-elle encore en quête de légitimation ?

3. (2 points) Comment l’ESS va-t-elle gagner en légitimation ?

4. (2 points) Expliquez les phrases suivantes :
a. « la segmentation des politiques sectorielles empêche un affichage “ESS” ». 
b. « L’ESS n’est pas forcément bien perçue par les élus ».

5. (2 points) Comment les collectivités agissent-elles dans le cadre de l’ESS ?

EXERCICE 2 – GRAMMAIRE ET CONJUGAISON​

(Notation : 8 points)

6. (1,5 point) Donnez un seul synonyme pour chacun des mots suivants (en respectant sa nature) : « panse » ; « segmentation » ; « baliser ».

7. (1,5 point) Donnez un seul antonyme pour chacun des mots suivants (en respectant sa nature) : « développement » ; « artisanale » ; « disette ».

8. (2 points)
a. Quel est le connecteur logique dans la phrase suivante ? « L’ESS peine alors à entrer dans le cadre des politiques publiques et à disposer d’un rattachement insti- tutionnel clair. » (0,5 point)
b. Dans les phrases suivantes, conjuguez à l’imparfait de l’indicatif les verbes mis entre parenthèses : « Le projet de loi ne (contenir) pas de définition de l’innovation sociale (...). Les élus (souhaiter) disposer d’une définition, notamment pour ne pas laisser à la seule Banque publique d’investissement la détermination de ce qu’(être) l’innovation sociale. »

9. (3 points) Dans le texte ci-dessous, certains mots sont mal orthographiés. Réécrivez, sans erreur, ces mots sur votre copie dans l’ordre du texte :
« Le gouvernement a fait le choix de retenir une définition “inclusive” de l’économie social et solidaire. Pour les collectivités, cela permettait d’ouvrir les financements aujourd’hui dédier à des structures ayant des statuts spécifiques (association, coopérative, mutuelle, fondation) à des entreprises porteuses des valeurs tout en étant des sociétés anonymes (SA), par actions simplifiées (SAS) ou à responsabilité limitée (SARL).
Celles-ci devront garantir la poursuite d’un but autre que le seul partage des bénéfices, une gouvernance démocratique, une “impartageabilité” de réserves obligatoires... Ces structures bénéficiront également de l’agrément “entreprise solidaire d’utilité sociale”, qui ouvre droit notamment au fond d’épargne solidaires. »

2 - Le corrigé

1. a. Il y a deux façons de comprendre cette idée : la première est de considérer que l’ESS « répare » les dysfonctionnements de l’économie marchande (inégalités, discrimination...) ; la seconde est de considérer que ce type d’économie a investi essentiellement le champ de la « réparation » des préjudices subis par les personnes (handicap, vieillesse, insuffisance des revenus...).

b. L’économie de la transformation peut être comprise comme une économie qui apporte des modifications profondes : une économie innovante, plus juste, créatrice d’emplois, respectant le développement durable. C’est une économie qui invente « un nouveau mode d’organisation, un autre modèle de société ».
Par là même, l’ESS peut être susceptible de « transformer » les mécanismes classiques de l’économie marchande, en la poussant à intégrer des valeurs ou des pratiques différentes (philanthropie, partage, don...).

c. L’économie de marché est le système économique dans lequel les échanges de biens et services sont régis par le jeu de l’offre et de la demande ; la régulation s’y effectue par les prix.

2. L’économie sociale et solidaire est encore perçue comme une économie de la réparation, elle est souvent reliée au fait associatif. Elle est peu reconnue et souvent mal comprise par les élus. Elle est prise moins au sérieux que l’économie de marché, où seules les relations marchandes ont du sens ; dès lors, toute autre pratique, la réciprocité ou le don par exemple, n’a pas de place.

Le défi des opérateurs de l’ESS est d’apporter la preuve tant de l’opportunité que de l’efficacité de ce type particulier d’économie.

Le processus de légitimation passe donc par l’implantation de l’ESS d’abord aux côtés de l’économie de type classique, à sa marge, puis en complémentarité et/ou en substitution à cette dernière par la suite.

3. L’ESS gagne en légitimité lorsqu’elle est en mesure d’apporter la preuve qu’elle rend un service que le secteur marchand n’est pas capable ou désireux de produire, ou que son efficacité économique et sociale est supérieure à l’économie marchande.

Pour cela, il convient d’attirer vers le secteur de l’ESS des personnes et des capitaux. Les chartes ou les lois dans ce domaine participent à la promotion du secteur et, par là même, à sa crédibilisation, étape nécessaire dans le processus de légitimation.

4. a. « La segmentation des politiques sectorielles empêche un affichage ESS » : des politiques sont décidées en fonction de chaque secteur de l’économie, elles-mêmes divisées en sous-secteurs. Chaque activité est donc reliée à un secteur particulier, et même si l’activité relève de l’économie sociale et solidaire, cet affichage reste invisible, pour la population et parfois même pour les intéressés, ainsi que le montre l’exemple donné dans le texte : « les agriculteurs ne sont pas vraiment informés. On gomme l’affichage ESS ».

b. « L’ESS n’est pas forcément bien perçue par les élus » : on peut interpréter cette phrase de deux manières. L’ESS n’est pas bien acceptée par les élus, en quelque sorte elle n’est pas bien vue. Ou L’ESS n’est pas bien comprise par les élus, qui ne savent pas vraiment ce qu’elle recouvre.
Pour les élus, l’activité de l’ESS apparaît souvent comme disparate, peu professionnelle, et entre les mains souvent d’« activistes » associatifs qui peuvent effrayer. De plus, étant en marge de l’économie « statutaire », institutionnelle (publique ou privée), l’ESS donne l’impression d’être une économie fragile à laquelle un élu craint de confier des responsabilités publiques.

5. Le plus souvent, les collectivités locales, bien que parties prenantes de nombreuses structures relevant de l’ESS, refusent l’affichage ESS par ignorance ou volontairement. Elles ont du mal à se positionner. Longtemps elles ont rattaché l’ESS à l’action sociale. Elles commencent à voir aujourd’hui que l’ESS est un facteur de développement économique. Plus encore, l’ESS n’étant pas soumise à la nécessité de faire du profit, elle s’inscrit assez opportunément dans une démarche de gestion économe d’une commune.

6. a. « panse » : soigne
b. « segmentation » : morcellement c. « baliser » : signaler

7. a. « développement » : réduction b. « artisanale » : industrielle
c. « disette » : abondance

8. a. Le connecteur logique de la phrase est « alors ».
b. Le projet de loi ne contenait pas de définition de l’innovation sociale (...). Les élus souhaitaient disposer d’une définition, notamment pour ne pas laisser à la seule Banque publique d’investissement la détermination de ce qu’était l’innovation sociale.

9. Les mots mal orthographiés sont : « sociale » ; « permet » ; « dédiés » ; « association » ; « bénéficieront » ; « aux fonds ».