Le malaise des cadres territoriaux : un manque de reconnaissance professionnelle ?

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À méditer… « En vertu de la « logique de l’honneur » qui le caractérise, le travailleur français attache une grande fierté à l’idée du travail bien fait, en conséquence de laquelle il revendique une certaine autonomie dans son travail et supporte mal que tous ses faits et gestes soient contrôlés et évalués ». (Jean-Pierre Le Goff, audition du 24 mars 2010 dans le cadre du rapport du Sénat, « Le mal-être au travail : passer du diagnostic à l’action »).

La souffrance au travail n’épargne pas les cadres territoriaux. L’étendue de leurs missions, de leurs responsabilités, l’exigence de diplomatie avec les élus (ni confrontation, ni rébellion, ni défaitisme), de pédagogie avec les collaborateurs… peuvent conduire à des situations de stress plus ou moins bien gérées.

Le contexte actuel de multiplication des réformes renforce les questionnements et les incertitudes des cadres territoriaux.

Dès 2009, il apparaissait que ce qui manque « pour les cadres, comme pour les élus locaux, c’est une vraie reconnaissance de leur rôle dans la société actuelle, des compétences avec lesquelles ils l’exercent, de leur capacité à incarner aux côtés de l’État l’intérêt général. Plus spécifiquement pour les cadres, la perspective raisonnable de mener une carrière complète au sein de la fonction publique territoriale, avec un aboutissement digne des responsabilités exercées » « Quels cadres dirigeants pour relever les défis de la république décentralisée ? », Philippe Laurent (Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, 4 février 2009).

La réforme de l’encadrement supérieur dans la fonction publique territoriale est largement engagée. Après la réforme du cadre d’emplois des ingénieurs territoriaux, celle des administrateurs territoriaux s’est concrétisée par trois décrets du 12 août 2013.

En 2013, le rapport Pêcheur soulevait différents facteurs à l’origine d’un malaise général des agents publics : désorientation suite à la succession des modes managériales, des schémas, des plans, de politiques…, le recours à la mutualisation à tout prix… « Il y a urgence car les fonctionnaires, qui se sentent ou se sont sentis souvent mal compris, parfois stigmatisés, ont besoin de croire en leur mission. » (rapport au Premier ministre, présenté par Bernard Pêcheur, octobre 2013).

De leur côté, les cadres territoriaux s’organisent. Ils ont créé, en décembre 2014, « L’Entente des territoriaux » afin de participer activement à la réforme territoriale. Par ailleurs, janvier 2015 a vu la création de l’Association nationale des cadres territoriaux de sécurité (ANCTS).

Le président du CSFPT, Philippe Laurent, réélu en 2015, entendait mener une réflexion sur l’avenir de la fonction publique territoriale. Le Livre blanc, intitulé « Demain, la fonction publique territoriale », a été adopté le 6 juillet 2016 par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (à consulter sur le site Internet du CSFPT : www. csfpt.org).

Les nouvelles générations bousculent les managers. Leur rapport au travail est différent : recherche de sens, affirmation d’autonomie et d’autodétermination, maîtrise des technologies de l’information et de la communication… Leur rapport à l’autorité, à la hiérarchie, est décomplexé. Les nouvelles générations attendent une exemplarité renforcée de l’autorité. L’adaptation des managers s’avère délicate d’autant que l’impatience caractérise aussi ces nouvelles générations. Le management participatif devient primordial. Réactivité, innovation, capacité à remettre en question ses pratiques… autant d’évolutions indispensables pour le manager face au dynamisme, à la créativité, au travail en réseau des nouvelles générations Management. Après la génération Y, la génération Z : comment les manager ? (www.lagazettedescommunes.com du 22 avril 2015).

L’élection à la présidence de la République, le 7 mai 2017, d’Emmanuel Macron et la composition du nouveau gouvernement interrogeaient les acteurs locaux : la fonction publique disparaissait des intitulés ministériels du gouvernement d’Édouard Philippe, nommé Premier ministre. De plus, les collectivités territoriales passent sous l’égide du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Le projet de loi de transformation de la fonction publique du 27 mars 2019 (actualité à suivre) suscite des inquiétudes parmi les cadres territoriaux. Ainsi, l’article 5 du projet de loi permet de nommer des personnes n’ayant pas la qualité de fonctionnaire dans les emplois de direction des fonctions publiques territoriale et hospitalière. Les DGS et DGA des départements, régions, communes et EPCI de plus de 40 000 habitants seraient concernés. Selon le gouvernement, l’objectif est de diversifier les viviers de recrutement dans l’encadrement supérieur et permettre le recrutement de profils venus de privé sur des postes à haute responsabilité.