L’environnement territorial : complexité et tensions ?

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À méditer… « Notre pays dispose d’un nombre excessif de niveaux d’administration. Aucune des principales collectivités publiques ne paraît adaptée aux problèmes d’aujourd’hui : la commune est trop petite, le département trop uniforme, la région rarement à l’échelle européenne. La coopération intercommunale ou la mise en place des communautés urbaines, introduites pour compenser ces défauts, connaissent des développements limités. Il y a sans doute un niveau de trop. Mais les mêmes qui le reconnaissent bien volontiers ne peuvent jamais s’entendre pour dire lequel supprimer ».

Rapport de la mission sur les responsabilités et l’organisation de l’État, Jean Picq, mai 1994.

La France, historiquement État centralisateur, s’est engagée progressivement dans la voie de la déconcentration puis de la décentralisation. Ce renforcement de la démocratie a conduit à des modifications dans l’exercice de l’action publique. L’architecture territoriale de la France s’est complexifiée et les réformes successives ne semblent pas avoir construit un ensemble abouti.

Parallèlement, différents facteurs ont conduit à repenser l’exercice de l’action publique : le vieillissement de la population française, la mondialisation de l’économie, l’impact des politiques européennes, l’exigence de maîtrise des dépenses publiques, la montée en puissance de l’intercommunalité…

Aujourd’hui, différentes problématiques se posent :

  • la remise en cause de l’identité communale ;
  • l’avenir des services publics de proximité ;
  • la répartition des compétences entre les collectivités territoriales ;
  • la mutualisation des services et des personnels ;
  • la rationalisation de la carte de l’intercommunalité ;
  • le rôle de l’État à l’égard des collectivités territoriales…

Lors de sa déclaration de politique générale du 12 juin 2019, le Premier ministre déclarait : « L’acte II se joue enfin dans la réforme de l’État. Non pas au sens bureaucratique qu’on lui donne souvent, mais au sens qu’on lui donnait en 1935, en 1958, quand déjà, la République cherchait à renouer avec le peuple. J’ai déjà évoqué, devant vous, le « mur de défiance » qui s’est élevé, au fil des années, entre les Français et ceux qui les représentent ou qui les administrent. J’ai aussi fait le constat avec vous du besoin de proximité et de participation qui s’est exprimé lors du grand débat. Nous ne répondrons pas à ces attentes avec de simples aménagements. C’est l’ensemble de l’action publique – « du sol au plafond » si vous me permettez l’expression – qu’il faut désormais transformer.

Il y a un an, nous avions présenté un projet de loi constitutionnelle et deux projets de loi complémentaires, organique et ordinaire. Les circonstances n’ont pas permis leur examen. Mais les discussions se sont poursuivies, en particulier avec le Sénat et avec son président. Les événements des derniers mois nous ont confortés dans notre conviction que ces textes étaient utiles. Et le grand débat nous a permis de les enrichir.

La garde des Sceaux est prête à présenter dès ce mois-ci trois nouveaux textes en Conseil des ministres. Ces textes reprennent le cœur des engagements du président de la République, y compris l’inscription de la lutte contre le changement climatique à l’article 1er de notre Constitution. Ils sont recentrés sur 3 priorités :

  • les territoires, avec l’autorisation de la différentiation, l’assouplissement du cadre relatif à la Corse ainsi qu’aux outre-mer ;
  • la participation citoyenne, avec un nouveau titre dans la Constitution, la transformation du CESE en conseil de la participation citoyenne, la possibilité de former des conventions de citoyens tirés au sort, la facilitation du recours au référendum d’initiative partagée et l’extension du champ de l’article 11 ;
  • la justice, avec l’indépendance du parquet et la suppression de la Cour de Justice de la République.

En parallèle, des gestes ont été faits pour parvenir à un consensus avec le Sénat. Les dispositions relatives au fonctionnement des assemblées ont été retirées. Nous avons considéré qu’il appartenait aux assemblées elles-mêmes de décider de leurs réformes. Les dispositions relatives au cumul des mandats dans le temps ont été assouplies pour en exclure les maires de communes de petite taille et prévoir une entrée en vigueur progressive. Le président de la République a accepté de revoir sa proposition de baisse d’un tiers du nombre de parlementaires pour viser une réduction d’un quart, qui permet une juste représentation territoriale et l’introduction d’une dose significative de proportionnelle. La réalité aujourd’hui, c’est que nous sommes proches d’un accord sur le projet de loi constitutionnel, mais que ce n’est pas encore le cas sur le projet de loi organique, et en particulier sur la question de la réduction du nombre de parlementaires. Et le Sénat a été très clair sur le fait qu’il n’y aurait d’accord sur rien s’il n’y avait pas accord sur tout. Nous allons donc continuer à chercher à nous rapprocher. Mais nous ne mobiliserons pas du temps parlementaire pour in fine constater le désaccord du Sénat.

Nous ne renonçons pas à nos ambitions, qui, nous le pensons, sont conformes à la demande de nos concitoyens. Nous attendrons le moment propice et la manifestation de volonté du Sénat, qui peut être ne viendra qu’après le renouvellement de la Haute Chambre en 2020. Nous pouvons aussi voter seulement la proportionnelle à l’Assemblée, sans changer le nombre de députés. Et le président de la République a la faculté d’interroger directement les Français sur la réduction du nombre de parlementaires. Ma conviction est que nous ne devons pas résister au désir de changement exprimé par les Français.

Transformer l’action publique, c’est réformer nos administrations et notre service public, à Paris et sur le terrain. (…/...)

Dans le même temps, nous achèverons d’ici l’été l’examen de la loi de transformation de la fonction publique et nous donnons plus de pouvoir aux managers. La mission Thiriez démarre ses travaux sur la haute fonction publique, pour rénover profondément son recrutement, sa formation et la gestion des carrières. C’est un dossier déterminant pour l’Etat, parce que pouvoir bénéficier des meilleurs éléments, et des plus dévoués, a toujours été essentiel. Je m’en occuperai personnellement. (…/...)

Transformer l’action publique, enfin, c’est répondre à l’aspiration fortement exprimée dans le grand débat pour plus de simplicité et plus de proximité. Je suis favorable, pour ma part, à un nouvel acte de décentralisation. Mais je sais que cela prend du temps et que les positions des territoires sont moins unies que nous ne le voudrions tous. C’est bien normal, d’ailleurs, car notre système est devenu compliqué.

Ma conviction, c’est qu’il faut d’abord conforter les maires, qui sont plébiscités par nos concitoyens, pour répondre au sentiment de fracture territoriale.

Je vous propose donc de procéder en deux temps :

  • d’abord, en prenant des mesures pour favoriser l’engagement des maires. Elles seront rassemblées dans un projet de loi que le Gouvernement présentera dès le mois de juillet et que je proposerai au Sénat d’examiner dès la rentrée ;​
  • ensuite, nous devrons nous accorder avec les élus et leurs représentants sur la meilleure méthode pour clarifier le fameux « millefeuille territorial ». Il faut aller vers des compétences clarifiées, une responsabilité accrue, des financements clairs, comme le président de la République nous y a invités ».