L’inquiétude face aux évolutions de nos sociétés s’intensifie aux XXe et XXIe siècles. La littérature s’empare de questionnements qui agitent les consciences, en explorant ce que nous pourrions devenir.
I. Anticiper les dérives de nos sociétés
1) Une mise en garde face aux dérives politiques
Les récits d’anticipation dépeignent un futur plus ou moins lointain, qui pousse souvent à l’extrême certaines caractéristiques de nos sociétés pour mieux réfléchir à leur impact. Des dystopies mettent en garde contre les changements sociaux liés aux avancées techniques et scientifiques.
Les expériences politiques désastreuses du XXe siècle nourrissent une littérature qui met en garde contre l’instauration d’États puissants susceptibles de broyer l’individu. Dans Kallocaïne, de Karin Boye (1940), la vie privée est annihilée par un sérum de vérité qui révèle les pensées les plus intimes de chacun. Orwell s’en inspire dans 1984 (1948), où il décrit un régime totalitaire doté d’une police de la pensée qui traque les dissidents.
Définition
Une dystopie est un récit de fiction qui décrit une société oppressante, souvent tyrannique ou totalitaire.
2) Une réflexion sur les valeurs et les aspirations de nos sociétés
La science-fiction questionne les formes et les objectifs que prennent nos sociétés, et les buts qu’elles se fixent. Dans Ravage (Barjavel, 1943), la fin de l’électricité donne un brutal coup d’arrêt à une société ultra-urbanisée et égarée par ses propres inventions, forcée de revenir à l’essentiel.
« Dans un monde entièrement fait pour l’homme, il se pourrait bien qu’il n’y eût pas non plus place pour l’Homme », prévient Gary dans sa « Lettre à l’éléphant » (1968). Il y interroge les valeurs qui fondent notre société et appelle à la vigilance face au progrès, qui engendre souvent des destructions.
II. Questionner notre vision du progrès
1) Les ambivalences de la technique
La science-fiction dénonce l’engouement pour des inventions d’abord perçues comme des progrès, mais qui peuvent se retourner contre nous. Dans Frankenstein ou le Prométhée moderne (1823), Mary Shelley dépeint un savant qui a créé, à partir d’un cadavre, une créature qui échappe à son contrôle ; Frankenstein est puni pour ses prétentions de démiurge.
À terme, c’est la question de la place des humains par rapport à leurs propres créations qui se pose. Dans le cycle des Robots (1950), Isaac Asimov imagine des robots dotés d’une intelligence aussi fascinante qu’inquiétante, susceptibles de prendre l’ascendant sur leurs propres créateurs.
Définition
Un démiurge est une divinité créatrice du monde.
2) Les manipulations du vivant
L’idéologie transhumaniste promet de vaincre la maladie, la vieillesse et la mort. La science-fiction explore les conséquences philosophiques d’une manipulation du vivant et se fait l’écho de débats scientifiques. De nombreux écrivains, comme Asimov, Huxley ou encore Damasio, envisagent comment la technologie pourrait permettre de dépasser les limites du corps humain. Faut-il s’attendre à un tournant sans précédent dans l’évolution ?
Augmenter l’humain, c’est donc le modifier : des questions éthiques s’imposent. Dans Un dissident (2017), François-Régis de Guenyveau suit le parcours d’un jeune scientifique de génie, embauché dans un laboratoire ultramoderne. Son rêve, créer un homme nouveau affranchi des limites de la nature, se heurte bientôt à cette intuition : la science ne peut pas être le seul moteur de l’évolution humaine.
L’humain concurrencé
(Blade Runner, film de Ridley Scott (1982)) Dans ce film, adapté d’une nouvelle de Philip K. Dick, la frontière entre humains et robots anthropomorphes se trouble : des « réplicants », êtres humains de synthèse doués de conscience, s’y rebellent contre leurs créateurs. Dans une séquence célèbre, le héros cherche à établir si la troublante Rachel est ou non une androïde.