1 - Le sujet
Humanités
Il apparaît que les humanités sont aujourd’hui menacées ou sommées de prouver leur utilité. Qu’importe la culture de l’honnête homme, il faut être pragmatique. La formation doit avoir une visée utilitaire et être économiquement rentable. Haro sur le grec, le latin, la littérature, la philosophie ou toute autre discipline jugée peu productive !
Dans un ouvrage, L’Avenir des humanités, Yves Citton va à contre-courant en réhabilitant ces disciplines et ce qui lui apparaît au cœur de leur démarche : l’interprétation. S’il reprend le terme d’humanités au parfum suranné, ce n’est pas pour rappeler simplement l’importance des traditions et de la richesse du passé, il a en ligne de mire le discours vantant sans cesse l’« économie de la connaissance », la « société de l’information et de la communication ». Ces expressions toutes faites, qui ont envahi le discours, ne sont pas anodines. Elles tendent à donner une vision essentiellement marchande, stockable et automatisable de l’information tout en se focalisant sur les connaissances scientifiques et technologiques. Au détriment d’autres perspectives, celles offertes par les humanités, qui, non formatées, ne fournissent pas de réponses toutes faites et pensent une vie proprement humaine. Il ne s’agit pas pour Yves Citton de développer un discours technophobe :
« Utiliser internet, c’est aujourd’hui un signe d’intelligence et pas de passivité intellectuelle », explique-t-il. L’activité interprétative peut en effet prendre pour objet bien des supports. « Humanités » vient d’une expression latine « litterae humaniores », littéralement : « les lettres qui rendent plus humains ». Elle marquait l’importance accordée dans l’éducation à l’étude des langues et des textes classiques et défendait la possession d’une culture capable d’orienter l’homme dans son existence. Si on réduit souvent les humanités à l’étude du grec et du latin, c’est dans un sens plus étendu qu’Yves Citton emploie ce terme. Il le fait passer par l’anglais humanities qui renvoie aussi bien à la littérature, aux langues anciennes et vivantes qu’à l’histoire, la philosophie, la géographie ou le droit. Les humanités, il les entend donc au sens large. L’avenir des humanités, c’est
à la fois l’avenir de ces disciplines et celui des groupes humains considérés dans leur pluralité. Le pluralisme culturel nourrit et enrichit la pensée.
D’après un article de Catherine Halpern, « Pas rentables les humanités ? », in Télérama, du 6 au 12 novembre 2010.
2 - Les questions
1. Donnez le sens des termes « pragmatique » et « suranné ».
2. Que signifie la phrase : « la formation doit avoir une visée utilitaire et être économiquement rentable » ?
3. Expliquez, en donnant au moins deux exemples, ce que pourrait être un « discours technophobe ».
4. Définissez, en vous appuyant sur au moins deux exemples différents de ceux du texte, ce que peut être le « pluralisme culturel ».
5. Quelle définition cet article donne-t-il des « humanités » ? En quoi les présente-t-il comme menacées dans la société actuelle ?
6. Que veut dire l’auteur quand il écrit que « les humanités [...] non formatées, ne fournissent pas de réponses toutes faites et pensent une vie proprement humaine » ? Vous pouvez appuyer votre réponse sur un ou des exemples de votre choix.
7. Dans quelle mesure « l’avenir des humanités » (pour reprendre l’expression du texte) et l’avenir des « groupes humains » considérés dans leur pluralité sont-ils liés ?
3 - Le corrigé
1. Pragmatique : qui recherche l’efficacité, qui vise ce qui est utile, pratique. Aujourd’hui, les apprentissages doivent viser ce qui est utile au détriment des disciplines comme le grec, le latin, la littérature... qui ne sont pas considérées comme rentables.
Suranné : démodé, désuet. Autrefois, les humanités (grec, latin, philosophie, littérature) avaient une place centrale dans l’enseignement, ce n’est plus le cas aujourd’hui et le mot n’est plus employé.
2. L’enseignement des humanités visait la formation morale et intellectuelle et était détaché de toute préoccupation utilitaire. Aujourd’hui, les savoirs doivent avoir une finalité pratique et transmettre des compétences utiles afin que l’individu soit productif, efficace.
3. « Technophobe » est un néologisme (nouveau mot) qui est formé de techno, technique et de phobe, qui déteste. Un discours technophobe est un discours qui s’oppose aux techniques nouvelles.
Deux exemples de discours technophobe :
Je refuse d’avoir un téléphone portable, on est tout le temps joignable, donc tout le temps dérangé.
Avec Internet, on se croit relié aux autres mais chacun reste dans sa bulle, et on ne rencontre plus personne.
4. Pluralisme : système qui reconnaît la diversité des modes de pensée, des opinions, des cultures... dans le respect et la tolérance.
Exemples
Le pluralisme culturel, c’est reconnaître dans une même société des personnes qui ont des origines différentes et d’autres habitudes que celles de la majorité des gens (alimentaires, vestimentaires...).
Le pluralisme culturel peut renvoyer à la reconnaissance de différentes langues dans un pays.
Le pluralisme culturel, c’est donner les mêmes droits aux minorités (par exemple, les Indiens aux États-Unis).
5. Les humanités signifient littéralement « les lettres qui rendent plus humains ». Elles concernent le grec, le latin, la littérature, la philosophie, et l’auteur ajoute : « et toute autre discipline jugée peu productive ». Ces matières visent à donner une culture « capable d’orienter l’homme dans son existence ». Or, aujourd’hui, ces disciplines sont perçues comme ne servant à rien à l’heure des nouvelles technologies. On privilégie les savoirs scientifiques et technologiques au risque de voir disparaître des connaissances qui permettent de se construire, de penser par soi-même.
6. Les humanités ne donnent pas des savoirs immédiatement utilisables sur le marché du travail par exemple, contrairement à des connaissances techniques. Mais elles donnent à réfléchir, elles permettent de se construire une culture pour devenir un citoyen à part entière.
Le latin par exemple permet de comprendre la construction de notre langue, de décrypter des mots inconnus, d’utiliser des mots justes. En améliorant notre maîtrise de la langue, il nous permet de mieux communiquer. Ce qui est nécessaire au quotidien. La philosophie nous oblige à nous questionner, à remettre en cause nos certitudes, donc elle nous ouvre l’esprit et par là même nous ouvre aux autres, aux différences. La philosophie encourage l’esprit critique et nous apprend à ne pas porter de jugement hâtif.
La littérature nous permet de découvrir d’autres horizons, d’autres modes de vie, d’autres façons de penser. Là encore, c’est une ouverture aux autres, indispensable pour vivre en société.
7. Les savoirs apportés par les humanités nous ouvrent aux autres, nous enseignent l’esprit critique, celles-ci nous permettent donc de respecter les différences et de reconnaître la diversité des groupes humains. Supprimer les humanités pour ne donner que des connaissances utilitaires reviendrait à supprimer la diversité des cultures.