L'explication de texte - méthode

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L’épreuve 1 en français dure 1 h 30 : c’est court. Aussi est-il tentant d’aborder l’épreuve en se jetant sur les questions : essayez de résister ! Entraînez-vous en temps réel. Utilisez un brouillon et numérotez bien les questions.​

1 - Comprendre le texte

A - Le premier contact avec le texte

Le texte nécessite une lecture attentive. Si le candidat prend connaissance des questions d’abord, sa lecture est orientée par la recherche des réponses. Or il est nécessaire qu’il comprenne le texte dans sa globalité.​

Méthode : Commencez par observer le paratexte : nom de l’auteur, date de parution, titre... Ces informations vous donnent sans doute une première idée sur le type de texte : un point de vue, un reportage, etc.

Observez ensuite la forme du texte : dans un article de presse, le titre, le chapeau, les intertitres sont mis en valeur et donnent déjà des renseignements importants.

Lisez une première fois le texte et posez-vous cette question : De quoi parle- t-il ? (Imaginez que vous en faites un rapide résumé à quelqu’un.) Si vous n’en êtes pas capable, recommencez la lecture.

B - La première lecture : une lecture de repérage

Lors de la première lecture du texte, vous devez vous poser les questions suivantes :

Quel est le thème ?

Le thème est le sujet du texte : ce dont on parle. On préfère le mot « thème » au mot « sujet » qui a plusieurs sens. Dans un article de presse, il est souvent annoncé dans le titre. Dans un essai, le titre de l’ouvrage peut aussi donner cette information. Si le titre ne fournit pas le renseignement ou est absent, les premières lignes du texte éclairent le lecteur ;


Quel est le contexte ? Qui parle à qui ? Où ? Quand ? Dans quel but ? Ce sont les questions que le lecteur doit impérativement se poser ;

Quelle est l’opinion défendue ? Dans la plupart des cas, le texte proposé a une visée argumentative. L’auteur défend une opinion : une thèse. Elle est le plus souvent annoncée au tout début du texte. Si ce n’est pas le cas, elle est l’abou- tissement d’un raisonnement et se trouve généralement à la fin du texte. 

Quoi qu’il en soit, au terme de la lecture, il faut se demander : quel message l’auteur veut-il me transmettre ? De quoi veut-il me convaincre ? ;

Quelles sont les intentions de l’auteur ? Dans un texte argumentatif, l’auteur veut convaincre ses lecteurs du bien-fondé de son opinion, en développant une suite d’arguments.

C - La deuxième lecture : une lecture sélective

Le candidat doit lire attentivement les questions, puis relire le texte. Cette deuxième lecture est donc orientée en fonction des consignes.

Méthode : Utilisez des surligneurs (2 couleurs, pas plus) et un crayon à papier pour entourer les mots de liaison et les mots clés par exemple.


1) Repérer les mots clés et les mots de liaison

Dans une lecture sélective, il faut repérer les mots ou expressions clés qui éclairent le sens du texte. Il faut entourer les mots de liaison qui structurent le texte et permettent de comprendre le raisonnement de l’auteur.


Les premiers mots clés à identifier sont évidemment ceux qui donnent le thème du texte et précisent le problème posé. Mais il est nécessaire d’aller plus loin et de relever les termes les plus importants, ceux qui vont permettre de comprendre le point de vue exposé dans le texte.

Exemple 1 

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Exemple 2
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2 - Bien identifier les consignes​

Il est nécessaire de distinguer les questions qui concernent uniquement un travail sur le texte de celles qui exigent des commentaires et/ou des connaissances. Les questions demandant une réponse longue nécessitent un brouillon : résumer le texte, dégager les idées principales...

A - Les questions sur le texte

Elles demandent d’exploiter le texte. Le candidat ne doit en aucun cas donner son opinion. Il doit bien identifier la consigne.

Méthode : « Quelle est l’opinion de l’auteur ? » est une question différente de « Relevez la phrase qui exprime l’opinion de l’auteur ». Vous pouvez répondre à la première avec vos propres mots ; la seconde, au contraire, demande de reprendre un extrait du texte que vous recopierez avec des guillemets.

B - Quelques verbes de consigne

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3 - Répondre aux questions vérifiant la compréhension globale

A - Trouver l'idée principale ou un titre

Ce sont des questions courantes lors du concours.

L’idée principale doit correspondre le plus exactement possible à ce qu’a voulu dire l’auteur à propos du thème. Elle ne doit pas être la reprise d’une phrase du texte : le candidat doit utiliser ses propres mots et écrire une seule phrase.

Exemple 

Avec des actions concrètes, chacun d’entre nous peut contribuer à protéger l’environnement.

Le titre résume l’essentiel du texte en une formule claire et concise : 5 à 10 mots.


Méthode ​: N’hésitez pas à employer des signes de ponctuation :
  • deux points mettent en évidence un problème, créent un lien de cause​ à effet ;
  • un point d’exclamation souligne un sentiment, un jugement...
Exemple
Reprenez la phrase de l’exemple précédent et réduisez-la en une formule qui pourrait être un titre : « Environnement : chacun a un rôle à jouer ! »

Il faut éviter les titres en deux ou trois mots (titres chocs) qui risquent de ne pas informer sur l’idée principale du texte. Il est tentant d’écrire une formule du type :

« Environnement : tous responsables ! », mais dans ce cas, on peut comprendre que nous sommes tous responsables de la pollution, alors que l’idée principale est que chacun peut contribuer à la protection de l’environnement.

B - Repérer les idées principales​

Lors de la lecture, il faut bien repérer les étapes du déroulement de la réflexion de l’auteur afin de réutiliser ensuite les éléments pertinents pour le sujet à traiter. Dégager les idées principales, c’est identifier l’enchaînement des arguments qui soutiennent l’opinion défendue par l’auteur. Il faut surligner les arguments et supprimer les exemples et les détails secondaires qui illustrent les idées.


Lors du concours, vous pouvez avoir à répondre à ce type de questions : 

  • relever les idées principales ;​ 
  • dégager les idées principales ;
  • résumer le texte.

1) Différencier les arguments des exemples

a) Les arguments

Ce sont des idées qui appuient la thèse (opinion) défendue. Ce sont ces idées que le candidat doit surligner. Les arguments peuvent : 

  • être fondés sur la raison, la logique ;​

Exemple

Parce que l’école est le lieu éducatif par excellence, les professeurs doivent avoir une solide formation.


  • faire appel à des citations de personnes reconnues dans leur domaine, ou à des chiffres très significatifs ;
Exemple
La télévision est le média le plus démocratique, 99 % des foyers possèdent au moins un téléviseur.
  • faire référence à des valeurs communes : défense de la liberté, du respect, de la justice, etc.​
Exemple
​La Déclaration des droits de l’homme nous rappelle que nous sommes tous égaux et que nous avons les mêmes droits.

b) Les exemples

Les exemples sont toujours concrets. Ils peuvent illustrer des arguments mais, parfois, ils peuvent remplacer l’argument. On ne les surligne pas.

On peut aussi partir d’un exemple pour dérouler l’argumentation. Dans ce cas, il faut chercher l’idée que veut transmettre l’auteur à travers l’exemple.

Exemple

« Un SDF est mort de froid, les logements d’urgence sont très insuffisants et les SDF sont de plus en plus nombreux, pourtant nous vivons dans un pays riche. »

Un cas concret (un SDF est mort de froid) permet d’avancer des faits (SDF de plus en plus nombreux) et laisse entendre l’idée que l’on défend : il est anormal de mourir de froid dans un pays riche.

​Parmi les exemples, on peut trouver :

  • des faits concrets ;
  • des anecdotes ;
  • des chiffres ;
  • des témoignages : très courants dans la presse, ils ajoutent du crédit aux propos tenus.

​2) Suivre le déroulement du texte

Il faut procéder paragraphe par paragraphe (qu’on peut numéroter), puis, sur une feuille de brouillon, retranscrire les arguments de chaque paragraphe en les résumant avec ses propres mots. Cette retranscription au brouillon est une étape indis- pensable lorsqu’on demande de résumer le texte.


En avançant paragraphe par paragraphe, le candidat est sûr de ne rien oublier.

Méthode : Indiquez par des mots de liaison comment s’enchaînent les idées (opposition, addition, cause..., voir fiches 30 et 31).
Aérez votre brouillon, laissez de grands blancs entre chaque idée, et paginez vos feuilles.

Exemple : 

L’extrait du texte ci-dessous vous montre comment relever les idées principales, étape par étape. Les mots de liaison sont soulignés. On progresse donc paragraphe par paragraphe en réduisant l’essentiel à 1 ou 2 phrases simples et claires, puis en restituant les articulations logiques. Vous devez utiliser vos propres mots : trouvez des synonymes ; mais, attention, certains mots ne peuvent être remplacés. Dans l’exemple ci-dessous, vous ne pourrez pas remplacer les mots « touristes » ou« pollution ». Entraînez-vous à synthétiser : un mot ou une expression peuvent se substituer à une énumération.


Paragraphe 1 : « Aujourd’hui, beaucoup de fonds sous-marins qui furent des paradis ont été transformés en quasi déserts. Bien entendu, la pollution agricole et industrielle est responsable d’une partie de ce désastre écologique. Mais l’industrie du tourisme, telle que nous la subissons, doit être mise en cause.

Ce premier paragraphe annonce la thèse défendue par l’auteur : le milieu marin est en danger, en grande partie à cause de l’industrie du tourisme. »


Paragraphe 2 : « Le « mur de béton », comme on l’appelle, n’a pas été édifié pour le confort des seuls vacanciers ; la mer « appelle » les hommes, et on observe dans tous les pays d’importantes migrations de populations en direction de la façade maritime. Mais quand même... Les « marinas pieds dans l’eau », les ports de plaisance artificiels, les terrains de camping géants dont les égouts vont directement dans la mer, les ravages des chasseurs « sportifs » au harpon, etc. : tout cela est bien réel. [...] »


Jacques-Yves Cousteau et Yves Paccalet, Almanach Cousteau de l’environnement, 1991.


Idée principale sous-entendue par une suite d’exemples : Certes la mer a toujours attiré les populations, mais les touristes ont provoqué l’édification d’infrastructures qui provoquent dégâts et pollution.

C - Faire un résumé​

Lors du concours, on peut demander au candidat de résumer le texte. On lui indique alors le nombre de mots ou de lignes qu’il doit impérativement respecter. Le résumé se fait avec ses propres mots. Il ne s’agit donc pas de raccourcir le texte en le coupant. Ce qui importe dans le résumé, c’est de mettre en valeur les idées essentielles et elles seules. Le candidat doit donc repérer les mots clés et relever les idées principales selon la méthode présentée. Il doit éliminer les détails secondaires et les exemples.

Méthode : Rédigez d’abord au brouillon et aérez-le : laissez beaucoup de blanc entre chaque paragraphe, cela vous facilitera les opérations de correction et le décompte des mots ou des lignes. N’oubliez pas de numéroter les pages. Puis recopiez votre texte au propre, en soignant le mieux possible l’écriture et la présentation.


Quand vous vous entraînez, lisez votre texte à voix haute et demandez- vous : mon texte est-il compréhensible ? Si c’est possible, faites-le lire à une tierce personne qui doit comprendre sans avoir besoin de retourner au texte source.

Exemple 

Résumé des paragraphes 1 et 2 de l’exemple précédent​

Le milieu marin est en danger, en grande partie à cause de l’industrie du tourisme. Certes, la mer a toujours attiré les populations, mais les touristes ont provoqué l’édification d’infrastructures qui causent dégâts et pollution.

4 - Répondre aux questions vérifiant la compréhension du vocabulaire

Expliquer un mot ou une expression, trouver un synonyme (parfois un antonyme) sont des consignes qui reviennent très fréquemment. Pour expliquer le sens d’un mot ou d’une expression, il faut procéder avec méthode et bien comprendre le contexte dans lequel ils se situent.

A - Expliquer un mot

La plupart des mots sont polysémiques : ils peuvent être employés au sens propre ou au sens figuré. Pour expliquer un mot, on choisit d’abord de donner son sens premier (premier sens dans le dictionnaire).

Exemple

Dans la phrase suivante, expliquez le mot « prolifération » : « Compte tenu de l’extraordinaire prolifération des moyens de communication, on ne sait plus reconnaître l’essentiel de l’accessoire. »

1re étape : on donne le sens général du mot. « Prolifération » signifie production surnuméraire, multiplication rapide.

2e étape : on définit le mot dans le contexte de la phrase ou du texte. Dans

cette phrase, l’auteur constate une augmentation rapide de tous les moyens de communication : télévision, radio, Internet, smartphone... le mot « prolifération » suggère que nous sommes submergés par les informations, que nous ne les maîtrisons pas.

B - Expliquer une expression

Avant d’expliquer une expression (groupe de mots ou proposition), il faut s’inter- roger sur la nature de la difficulté présentée. Autrement dit, se demander pourquoi on demande cette explication.


Si l’expression comporte un mot difficile, on cherche d’abord à expliquer le mot difficile puis on le relie à son contexte dans une phrase explicative (voir fiche 2).


Si l’expression est une expression toute faite (utilisée au sens figuré), on cherche alors un groupe de mots ayant le même sens afin de donner le sens global de l’expression.

Exemple

Expliquez : « Des coupes sombres dans le personnel ». 

Ce sont des licenciements importants.​

​Si l’expression comporte une figure de style, il faut d’abord identifier le procédé, puis expliquer l’expression dans son contexte.

Exemple

Expliquez l’expression « se régale des on-dit » dans la phrase « Une certaine société se régale des on-dit. »

Le terme « se régale » est une métaphore qui signifie ici que certains adorent les ragots, les rumeurs.

Si l’expression exprime une idée essentielle du texte (c’est-à-dire une expression clé qui permet de comprendre le texte), le candidat doit montrer qu’il a su faire les liens avec le reste de l’argumentation.


Exemple

Expliquez l’expression « en hypothéquant leur avenir » dans la phrase : « Nous produisons des tonnes de déchets, laissant à nos successeurs le soin d’affronter les conséquences, en hypothéquant leur avenir. »

Hypothéquer un bien, c’est prendre le risque de le perdre pour obtenir un avantage immédiat. Cette phrase montre que notre mode de consommation, qui satisfait nos besoins d’aujourd’hui, met en péril l’avenir de nos enfants.​

C - ​Trouver un synonyme ou un antonyme

Un synonyme remplace un autre mot : c’est un mot de sens voisin, qui appartient à la même classe grammaticale.

Un antonyme est un mot de sens contraire, qui appartient à la même classe grammaticale.


Que l’on demande un synonyme ou un antonyme, il faut toujours être attentif au contexte. En effet, il existe très peu de synonymes absolus. Il faut donc rester très attentif au sens de la phrase pour rester le plus proche possible du sens du mot. 

Les synonymes appartiennent toujours à la même classe grammaticale. Un nom appelle un nom ; un adjectif qualificatif appelle un adjectif qualificatif, etc. Si le mot est au pluriel, le synonyme doit être proposé au pluriel. Avec ce type de consigne, il ne faut pas donner une explication du mot ni le commenter.

Exemples

« Des investigations plus poussées ont permis de trouver le coupable. » 

Donnez le synonyme du mot « investigations ».
Investigations : recherches « Investigations » est un nom au pluriel, le synonyme est donc un nom au pluriel.

Si vous ne trouvez pas le synonyme mais que vous avez compris le sens de la phrase, reformulez autrement. Il y a de grandes chances que vous trouviez ainsi le mot : ils ont fait des enquêtes, des recherches pour trouver le coupable.

« Ce travail était exténuant. »

Donnez le synonyme de « exténuant »

Exténuant : épuisant 

Il faut trouver un mot de sens proche. Le mot « fatigant » n’est pas assez fort. Il faut aussi respecter le niveau de langue, on ne peut donc écrire « crevant » qui est familier.

​5 - Répondre aux questions appelant des commentaires sur le texte

Ces questions sont extrêmement variées. Ce sont des questions du type : 

  • Expliquez la phrase ou le passage...​
  • Comment comprenez-vous la réaction... ?
  • Expliquez les motivations de...
  • Que veut dire l’auteur quand... ?
  • Pourquoi cet événement provoque-t-il... ?
  • Étudiez le champ lexical du premier paragraphe et montrez... 
  • Pourquoi l’auteur peut-il être qualifié de... ?
  • Qualifiez le ton du texte et expliquez pourquoi l’auteur...
Il n’est naturellement pas possible de rendre compte de toutes les questions qui peuvent être posées. Dans tous les cas, il est demandé une réponse bien rédigée et bien structurée.

Pour bien répondre, le travail préalable est toujours le même : faire une lecture globale puis sélective du texte.


A - Expliquer une phrase

Il s’agit en général d’expliquer une phrase qui contient une idée essentielle du texte. Le plus souvent, la phrase ne contient pas de piège de vocabulaire. On cherche à vérifier que le candidat a compris de manière fine le texte d’étude.

Méthode : vous devez d’abord en souligner les mots-clés et être capable de les expliquer, puis la commenter en tenant compte du contexte.

Exemple

Dans un texte dénonçant l’influence néfaste de l’argent dans le sport, vous avez à expliquer la phrase suivante : « le sport, comme le jeu, est une fraternité » (Jean d’Ormesson).

Les mots clés sont « jeu » et « fraternité ».

Vous devez vous demander quels sont les points communs entre le sport et le jeu : amitié, plaisir, respect de l’autre, respect des règles, patience...

Vous devez être capable de définir le mot « fraternité ».

Fraternité : lien de solidarité qui lie les frères et sœurs et plus largement les membres d’une famille, d’un groupe, d’une organisation, etc.

Puis vous rédigez votre explication, en tenant compte du contexte.

Le sport comme le jeu doit être désintéressé. Ce qui est primordial dans le sport, c’est la solidarité et l’amitié entre les participants, le respect de l’autre et le respect de règles communes.

B - ​Travailler sur les champs lexicaux

Un champ lexical est l’ensemble des mots et/ou groupes de mots qui appartiennent à une même idée, une même notion, un même thème. Par exemple, le champ lexical de la mer peut comporter les mots : sable, vague, écume, vaisseau, navire...

Travailler sur les champs lexicaux permet une lecture fine du texte. C’est un exercice de repérage de mots et/ou expressions clés pour construire du sens et identifier les intentions de l’auteur.

Exemple

​Hier, 22 février1, j’allais à la Chambre des Pairs2. Il faisait beau et très froid, malgré le soleil de midi. Je vis venir rue de Tournon un homme que deux soldats emmenaient. Cet homme était blond, pâle, maigre, hagard ; trente ans à peu près, un pantalon de grosse toile, les pieds nus et écorchés dans des sabots avec des linges sanglants roulés autour des chevilles pour tenir lieu de bas ; une blouse courte, souillée de boue derrière le dos, ce qui indiquait qu’il couchait habituellement sur le pavé ; la tête nue et hérissée. Il avait sous le bras un pain. Le peuple disait autour de lui qu’il avait volé ce pain et que c’était à cause de cela qu’on l’emmenait.


En passant devant la caserne de gendarmerie, un des soldats y entra, et l’homme resta à la porte, gardé par l’autre soldat. Une voiture était arrêtée devant la porte de la caserne. C’était une berline armoriée3 portant aux lanternes une couronne ducale4, attelée de deux chevaux gris, deux laquais en guêtres derrière. Les glaces étaient levées, mais on distinguait l’intérieur tapissé de damas bouton d’or5. Le regard de l’homme fixé sur cette voiture attira le mien. Il y avait dans la voiture une femme en chapeau rose, en robe de velours noir, fraîche, blanche, belle, éblouissante, qui riait et jouait avec un charmant petit enfant de seize mois enfoui sous les rubans, les dentelles et les fourrures. Cette femme ne voyait pas l’homme terrible qui la regardait.

Je demeurai pensif. Cet homme n’était plus pour moi un homme, c’était le spectre de la misère, c’était l’apparition, difforme, lugubre, en plein jour, en plein soleil, d’une révolution encore plongée dans les ténèbres, mais qui vient. Autrefois, le pauvre coudoyait6 le riche, ce spectre rencontrait cette gloire ; mais on ne se regardait pas. On passait. Cela pouvait durer ainsi longtemps. Du moment où cet homme s’aperçoit que cette femme existe, tandis que cette femme ne s’aperçoit pas que cet homme est là, la catastrophe est inévitable.

Victor Hugo, Choses vues, 1846.

1. 22 février 1846, deux ans avant les émeutes de la faim de 1848 qui entraîneront l’abdication du roi Louis-Philippe.
2. Chambre des Pairs : désigne la Haute Assemblée législative dont Victor Hugo était membre.
3. Berline armoriée : voiture à chevaux sur laquelle sont peints les emblèmes d’une famille noble.
4. Couronne ducale : cet emblème signale que la passagère est une duchesse. 5. Damas bouton d’or : étoffe précieuse de couleur jaune.
6. Coudoyer : côtoyer.

Questions possibles : 

  • De quelle manière Victor Hugo dénonce-t-il les inégalités sociales ?
  • Comment Victor Hugo montre-t-il son indignation face à la misère ?
  • Montrez l’opposition des portraits de l’homme et de la femme et dites ce que veut dénoncer Victor Hugo.​

Pour répondre à ces questions, il faut d’abord étudier les deux portraits et souligner le champ lexical de la misère et du malheur en une couleur (l’homme), et le champ lexical de la richesse et du bien-être (la femme) en une autre couleur. Puis vous montrez l’intention de Victor Hugo.

Victor Hugo oppose le portrait d’un homme qui donne une image de la misère et le portrait d’une femme qui représente la richesse et l’insouciance. L’homme est en guenilles, sans domicile (ses vêtements indiquent qu’il « couchait habituellement sur le pavé »), il a faim (« pâle », « maigre », « il avait volé un pain »). Au contraire, la femme est riche, elle est noble (« berline armoriée », « couronne ducale »), elle est belle et bien vêtue (« en robe de velours noir, fraîche, blanche, belle, éblouissante »), elle est heureuse, elle « riait et jouait avec un charmant petit enfant ». À travers ces deux portraits, Victor Hugo dénonce les deux faces d’une société qui s’ignorent, d’insupportables inégalités sociales quand les uns doivent voler du pain pour manger alors que d’autres vivent dans l’opulence.

C - Travailler sur les sous-entendus du texte

Certaines questions demandent au candidat d’aller au-delà du texte. Il doit chercher ce qui est sous-entendu dans le texte (lire entre les lignes). Ce sont des questions du type :

  • Dans quelle intention... ?​
  • Comment comprenez-vous... ?
  • Expliquez le passage... et dites quelle est la vision de l’auteur sur... 
  • Pourquoi peut-on qualifier l’auteur de... ?

Exemple

Reprenons le texte Choses vues de Victor Hugo avec d’autres questions de commentaire.

a. Quelle est l’intention de l’auteur en écrivant ce texte ?

L’auteur fait deux portraits opposés : l’homme représente la pauvreté du peuple et la femme la noblesse riche et oisive. Non seulement il dénonce les inégalités sociales mais aussi l’égoïsme des riches qui restent totalement indifférents à la misère des classes populaires. L’homme regarde la femme qui ne le voit pas et continue de rire et de jouer avec l’enfant.

De plus, Victor Hugo annonce que cette situation ne pourra pas durer : l’homme regarde la femme qui ne le voit pas (« ne voyait pas l’homme terrible qui la regardait »). L’adjectif « terrible » montre que l’homme réalise ainsi toute l’étendue de l’injustice. Victor Hugo annonce qu’un jour le peuple se révoltera.

b. En quoi Victor Hugo peut-il être qualifié de visionnaire ?

Pour répondre à cette question, il faut d’abord comprendre le mot « visionnaire ».
Le visionnaire est celui qui est capable d’avoir une vision juste de l’avenir. Il faut comprendre le cheminement de la pensée de Victor Hugo : il observe une scène dramatique qui met en lumière les problèmes de son époque. La pensée de l’auteur se révèle dans les mots dramatiques qu’il utilise.


En voyant le regard « terrible » de l’homme, Victor Hugo a une intuition (« je demeurai pensif ») : ce prisonnier misérable qui regarde cette femme riche et heureuse annonce une rébellion future. Un jour ou l’autre, les classes populaires se révolteront contre leur condition : « c’était l’apparition, difforme, lugubre, en plein jour, en plein soleil, d’une révolution encore plongée dans les ténèbres ». Effectivement, nous sommes en 1846, et des émeutes de la faim ont lieu en 1848 (voir les notes explicatives). Victor Hugo est donc bien visionnaire, il prévoit la colère du peuple face aux inégalités sociales démesurées.

D - Travailler sur le ton du texte

Dans certains textes, le ton éclaire les intentions de l’auteur. On peut alors demander au candidat de qualifier le ton d’un texte ou d’un paragraphe. Dans sa réponse, il définit le ton du texte et explique le message que l’auteur veut lui transmettre. Ce sont les habitudes de lecture qui permettent de reconnaître le ton d’un texte. Le ton est en effet lié à l’effet produit sur le lecteur.
Repérer les champs lexicaux, le niveau de langue, les figures de style aident à distinguer les différentes tonalités.

1) Le ton polémique

L’auteur critique une situation, s’oppose à une opinion de manière virulente.

Exemple

« Plutôt que de préparer la trop fameuse et extraordinairement coûteuse “guerre des étoiles”, il faudrait organiser une véritable croisade contre la pauvreté. » (Hubert Reeves)

Hubert Reeves dénonce avec violence, en utilisant un superlatif (« la trop »), l’argent dépensé dans les conquêtes aérospatiales, alors qu’il serait temps de prendre des mesures efficaces contre la misère dans le monde.

​2 ) Le ton dramatique

L’auteur cherche à inspirer la pitié ou la colère face à des situations inacceptables.

Exemple

Dans le texte de Victor Hugo Choses vues, la misère est dénoncée avec des mots forts, dramatiques qui amènent le lecteur à ressentir de la pitié pour le prisonnier : « pâle, maigre, hagard ; trente ans à peu près, un pantalon de grosse toile, les pieds nus et écorchés dans des sabots... »

3) Le ton ironique​

Il est souvent employé pour dénoncer les travers de la société, une situation inacceptable. C’est un décalage entre le sens des mots et la réalité.

Exemple 

Dans la pièce de Marcel Aymé, La Tête des autres, le procureur Maillard rentre chez lui tout content d’avoir obtenu la tête d’un accusé. L’un de ses amis s’écrie : « Dites donc, Maillard, c’est votre troisième tête. Pensez-y bien, mon cher. Votre troisième tête. À trente-sept ans, c’est joli. »

Les félicitations et la légèreté des propos de l’ami sont en contradiction avec la réalité des faits : un accusé condamné à être guillotiné. Marcel Aymé se sert de l’ironie pour dénoncer la peine de mort et le fonctionnement de la justice.