Rabelais, Gargantua, Chapitres XI à XXIV

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L'œuvre Gargantua, publiée entre 1534 et 1535, fait partie de l'objet d'étude « La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle » et s'inscrit dans le parcours « La bonne éducation ».

Le parcours renvoie, ici, aux chapitres les plus connus de l’œuvre qui opposent, dans un 1er temps, une éducation faite de mémorisation « par cœur » sans que l’élève n’exerce son esprit critique, son éloquence et même son corps (éducation donnée à l’époque à la Sorbonne) et, dans un second temps, une éducation éclairée qui prône un retour à la lecture des textes anciens et apprend l’exercice physique et l’hygiène (qui est l'idéal de l’éducation humaniste).

I. L’auteur et les contextes historique et culturel

1) Repères historiques

  • 1453-1455 : invention de l’imprimerie
  • 1515-1547 : règne de François 1er
  • 1562 : début des guerres de Religion
  • 1572 : massacre de la Saint-Barthélémy
  • 1593 : Henri IV abjure le protestantisme
  • 1598 : édit de Nantes et fin des guerres de Religion

2) Éléments de biographie

Rabelais naît à côté de Chinon en 1483 ou 1494  d’un père avocat et gros propriétaire terrien. Il apprend le latin et le grec dans une abbaye proche de la métairie de son père puis devient moine jusqu’à l’âge de 33 ans. Il apprend ensuite la médecine à Montpellier et devient médecin en Italie, puis en France, tout en écrivant ses livres.

3) Contextes historique et culturel

Le XVIe siècle est le siècle de la Renaissance, de la Réforme et des guerres de religion. C’est une période de transition entre le Moyen Âge et le classicisme dans le domaine des arts, des mœurs et des idées. 

Les voyages de Colomb, Gama et Magellan offrent à la réflexion de nouveaux horizons. Les découvertes scientifiques ou techniques, comme l’imprimerie, permettent une plus large diffusion des idées. L’Italie, où la Renaissance fleurit depuis un siècle, offre un modèle aux esprits éclairés qui veulent rompre avec des traditions périmées (comme la religion austère et l’enseignement scolastique de l’université, notamment). 

François 1er règne depuis 1515. Il est favorable à cet esprit nouveau et protège les savants, écrivains et artistes. Un mouvement de retour à l’étude des textes originaux grecs et latins mais aussi bibliques naît alors et prend le nom d’humanitas, qui deviendra sous peu humanisme, désignant à la fois une formation approfondie à la pensée gréco-latine et un idéal de sagesse.

II. Le titre

C'est un titre éponyme (car il est le nom du personnage principal) qui vient du fait que Gargantua est né en criant « À boire, à boire, à boire ! » et que son père a dit « Que grand tu as. » (référence au gosier).

III. Structure et résumé de l'œuvre

1re partie

  • Chapitres 1 à 10 (hors programme) : naissance et petite enfance de Gargantua
  • Chapitres 11 à 13 : jeunesse de Gargantua
  • Chapitres 14 à 16 : 1re éducation de Gargantua par Thubal Holopherne et Jobelin Bridé, deux maîtres de la Sorbonne (qui servent de contre-exemple car, avec leur éducation, Gargantua devient « fou, niais » et sot)
  • Chapitres 17 à 24 : 2e éducation de Gargantua (fait partie des « sujets sérieux » annoncés dans le prologue) par Ponocrates : exemple d’éducation humaniste idéale

À noter, hors programme mais à titre indicatif (ci-dessous).

2e partie

  • Chapitres 25 à 51 : guerre contre Picrochole, origines de la guerre 
  • Chapitre 34 : retour de Gargantua
  • Chapitres 35 à 51 : exploits de Gargantua et de frère Jean des Entommeures

3e partie

Chapitres 52 à 58 : 

  • châtiment de Picrochole, 
  • récompense des bons serviteurs, 
  • création de l’abbaye de Thélème

IV. Les thèmes et mots-clés

  • « La substantifique moelle » : dans le prologue de Gargantua, Rabelais invite le lecteur à ne pas se fier à l’apparence comique de son livre (affirmée dans l’avertissement envers le lecteur) mais à aller jusqu’au fond de son œuvre pour découvrir le ou les sens caché(s), comme le ferait un chien rongeant un os pour atteindre la moelle.
  • L’éducation : c'est le thème central du roman. Rabelais s’attaque aux méthodes d’éducation des sophistes du Moyen Âge auxquelles l’Humanisme était en train de porter un coup fatal. Cet enseignement était alors pratiqué à la Sorbonne. Dans l'œuvre, Gargantua est donc confié, dans un 1er temps, par son père à « un grand docteur en théologie nommé maître Thubal Holopherne ». Il apprend l’alphabet « par cœur au rebours » (ce qui signifie « à l’envers ») en cinq ans et trois mois. Puis, il dû apprendre « des livres de vocabulaire et de grammaire entièrement en latin en treize ans et six mois, puis un autre ouvrage de grammaire latine avec des commentaires en dix-huit ans et onze mois ». Résultat : l’élève devient « fou, niais, rêveur ». On voit les défauts de cette éducation héritée du Moyen Âge qui consiste en de longues études livresques inutiles sans rapport avec la vie et la connaissance du monde. Grandgousier décide donc que son fils fera ses études à Paris sous la direction du sage Ponocates (dont le nom signifie laborieux) et qui incarne l’éducation idéale conforme à l’idéal antique : formation harmonieuse du corps et de l’esprit, initiation aux sciences les plus diverses, entraînement au maniement des armes et lecture des textes religieux originaux.
  • Le rire : la fin du prologue est une exhortation à s’amuser à la lecture de Gargantua. Puisque le rire est « le propre de l’homme », rire, c’est montrer son humanité. Donc, on trouve dans Gargantua : le comique de situation (Gargantua se saisit des cloches de Notre-Dame pour en faire des clochettes au cou de sa jument), le comique grossier (Gargantua urine sur les parisiens du haut de Notre-Dame, insultes, registre scatologique) et le comique de mots (le service divin devient « le service du vin »). Il utilise, également, les registres burlesque et héroï-comique dont le premier consiste à traiter un sujet noble sur un mode dévalorisant et le second consiste à traiter un sujet bas sur un mode sérieux : par exemple, au chapitre 13, Gargantua évoque sa trouvaille du « torche-cul » sur un mode poétique.

À savoir (même si ces chapitres sont hors programme) :

  • L’abbaye de Thélème (en grec, signifie « volonté libre ») : elle est construite par Gargantua à la fin du roman, à l’attention de frère Jean, comme un havre de paix, d’élégance et de sagesse. Ainsi, les Thélémites (hommes et femmes) refusent le nouveau monde économique de la Renaissance, dominé par l’échange et l’attrait des richesses. On fuit également le désir et le corps à Thélème (pas de nourriture, ni de cuisine). La règle morale de cette magnifique abbaye (qui ressemble à un château de la Renaissance) est « Fais ce que voudras. » car seuls des gens « bien nés et bien instruits » y sont accueillis et qu’ils ont une tendance naturelle à la vertu et non au vice.
  • La religion : frère Jean des Entommeures incarne une forme d’idéal pour Rabelais. En effet, il est celui qui se bat pour sauver son abbaye alors que les autres moines restent passifs et se perdent en prières et chants inutiles. Il ne supporte pas l’oisiveté (reproche que l’on faisait souvent aux moines à l’époque) : c’est un homme d’action qui défend ses concitoyens. Pour Rabelais, le système monastique, fait de prières qui rythment la journée, n’a rien à voir avec la religion du Christ. En effet, il prône un retour aux origines du christianisme et à la lecture des Évangiles (et non aux commentaires des Évangiles qui sont étudiés depuis des siècles). Ce courant s’appelle l’évangélisme.