Produire de la connaissance scientifique : la radioactivité

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Fruit presque du hasard, la découverte de la radioactivité a ­mobilisé la communauté savante internationale dès 1896. Ses applications stratégiques sont progressivement prises en charge par les États au nom d’intérêts géopolitiques.

I) La communauté savante mobilisée autour d’une découverte majeure (1896-1939)

1 ) Une émulation entre chercheurs internationaux

Les connaissances sur la radioactivité sont le fruit de découvertes en cascade. Leur point de départ est l’observation par l’Allemand Röntgen de mystérieux « rayons X », qui amène quelques mois plus tard (janvier 1896) le ­Français Becquerel à mettre en évidence, par sérendipité, la ­radioactivité naturelle.

Mot-clé

La sérendipité désigne la capacité de tirer profit d’une découverte inopinée ou d’une erreur.

Les contacts et la collaboration entre chercheurs, entre universités, voire la transmission au sein des familles de scientifiques (Curie, Bohr…) favorisent l’effervescence de la recherche sur le sujet. Celle-ci est aussi le produit de la concurrence entre les scientifiques et entre les États, afin d’avoir le primat de la découverte, source de prestige et de brevets.

En 1898, la Franco-Polonaise Marie Curie et son mari Pierre découvrent le polonium et le radium ; en 1899, le Britannique Rutherford identifie trois types de rayonnement ; en 1913, le Danois Bohr établit un modèle de l’atome. Plusieurs prix Nobel récompensent cette production scientifique hors du commun.

2)  Les laboratoires, moteurs de l’innovation stratégique

Les travaux de Bohr posent les bases de la mécanique quantique en 1913. L’Autrichien Schrödinger et l’Allemand Heisenberg décrivent l’atome en 1926-1927 et expliquent la radioactivité naturelle.

La radioactivité artificielle est mise en évidence par Irène Curie et Frédéric Joliot en 1934.

Mots-clés

La radioactivité est le phénomène physique par lequel des noyaux atomiques instables se transforment spontanément (radioactivité naturelle) en d’autres atomes en émettant de l’énergie. Cette transformation peut être aussi provoquée (radioactivité artificielle).

Ces connaissances s’associent à des innovations techniques majeures, notamment dans le domaine de la médecine et de la biologie (radiothérapie, marqueurs ­radioactifs…).

II) Des applications dirigées par les États (1939-années 1950)

1 ) Des applications militaires stratégiques

En août 1939, Albert Einstein écrit au président américain Roosevelt pour attirer son attention sur la possibilité de construire une bombe atomique, avant que l’Allemagne nazie n’y parvienne. Le projet Manhattan, dirigé par Robert Oppenheimer de 1939 à 1946, permet aux États-Unis de réunir les meilleurs spécialistes internationaux, notamment ceux qui ont fui les totalitarismes fascistes.

La première bombe est testée en juillet 1945. En août, deux bombes sont larguées contre le Japon, Little Boy (uranium enrichi) à Hiroshima, Fat Man (plutonium) à ­Nagasaki. La connaissance scientifique pose ­désormais des questions existentielles. En août 1949, l’URSS fait à son tour exploser une bombe.

2 ) Un savoir fondamental

Pendant la guerre froide, il n’est plus question de collaboration scientifique mais de secret et de concurrence, la connaissance étant un pilier stratégique du hard power. La recherche s’industrialise et s’inscrit dans la Big Science, reposant sur d’importants investissements financés par les États.

Soucieux de conserver à la France un statut de puissance, les Français se tiennent au courant des recherches américaines par des indiscrétions. En 1945, de Gaulle crée le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Le programme nucléaire démarre en 1954.