Introduction
Lever la main en classe, respecter une file d’attente ou payer ses impôts : ces gestes rappellent que la vie sociale repose sur des règles partagées. Certaines sont implicites et s’appuient sur les usages du groupe, d’autres sont explicites et sanctionnées par l’État.
Ce sont les normes sociales et les normes juridiques. Pour qu’elles soient respectées, les sociétés recourent au contrôle social, qui incite les individus à la conformité et contribue à la cohésion sociale. Comprendre ces mécanismes permet aussi de saisir la notion de déviance, au cœur du programme de Première, qui renvoie aux comportements s’écartant des normes.
Normes sociales et normes juridiques
Les normes sociales sont des règles implicites qui guident les comportements quotidiens : dire « bonjour », respecter une file d’attente, adapter sa tenue à la situation. Leur non-respect entraîne des sanctions sociales, comme la moquerie ou l’exclusion, mais aussi des sanctions positives, comme des félicitations pour un comportement jugé conforme.
Les normes juridiques sont explicites et écrites, produites par l’État et inscrites dans le droit. Le non-respect entraîne une sanction officielle, comme une amende pour excès de vitesse, mais le respect peut aussi donner lieu à une récompense, par exemple une prime pour un comportement écologique (prime à la conversion d’un véhicule).
Ainsi, les normes sociales et juridiques diffèrent par leur origine (collective ou institutionnelle), leur forme (implicite ou écrite) et le type de sanctions (sociales ou légales, négatives ou positives).
À retenir
Les normes sociales sont implicites et sanctionnées par le groupe, les normes juridiques sont explicites et sanctionnées par l’État. Les sanctions peuvent être négatives (punir) ou positives (récompenser).
La diversité du contrôle social
Le contrôle social désigne l’ensemble des moyens qui incitent les individus à respecter les normes. Il peut être formel, exercé par des institutions comme la police, la justice ou l’école, ou informel, exercé par la famille, les pairs ou les collègues. Une amende pour excès de vitesse illustre le contrôle formel ; une remarque d’un ami ou un « like » sur les réseaux sociaux illustrent le contrôle informel.
Durkheim insistait sur la fonction intégratrice du contrôle social : il contribue à la cohésion sociale en régulant les comportements et en renforçant les valeurs communes. Mais il varie selon les sociétés, les époques et les groupes sociaux. Aujourd’hui, les réseaux sociaux ou la vidéosurveillance ajoutent de nouvelles formes de contrôle qui complètent les institutions traditionnelles.
À retenir
Le contrôle social est formel ou informel. Il varie selon les contextes et contribue à la cohésion de la société.
Contrôle social et déviance
La déviance renvoie aux comportements qui s’écartent des normes. Deux approches existent. La définition statistique considère comme déviant un comportement minoritaire (par exemple, ne jamais utiliser Internet aujourd’hui). Mais cette définition reste surtout pédagogique. En sciences sociales, on privilégie la définition normative : est déviant un comportement qui transgresse une règle, explicite ou implicite (fraude fiscale, triche à un examen, non-respect d’un code vestimentaire).
Durkheim voyait la déviance comme un fait social normal. Elle rappelle la règle et renforce la cohésion, mais elle peut aussi révéler une crise des normes. Dans Le Suicide (1897), il analyse le suicide anomique, lié à des périodes de bouleversement économique ou social où les repères se brouillent (par exemple, lors d’une crise économique). L’anomie désigne cette situation d’affaiblissement des règles sociales qui entraîne désorientation et perte de repères.
Becker, avec la théorie de l’étiquetage, montre que la déviance est le résultat d’un processus : un individu devient déviant parce qu’il est désigné comme tel. Ce processus est dynamique et peut conduire à une carrière déviante, où l’étiquette impose des comportements de plus en plus éloignés de la norme. Par exemple, un élève qualifié de « perturbateur » peut intérioriser ce rôle et multiplier les conduites jugées déviantes.
Les données empiriques permettent d’illustrer ces notions. Selon l’Insee et le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), la France a enregistré en 2022 plus de 3,7 millions d’atteintes aux biens (cambriolages, vols, etc.). Ces chiffres rappellent l’importance du contrôle social formel par la police et la justice. Mais la déviance peut aussi être source d’innovation sociale : les mouvements pour les droits civiques aux États-Unis, ou les mobilisations pour la légalisation de l’IVG en France dans les années 1970, étaient d’abord perçus comme des transgressions avant de transformer les normes collectives.
À retenir
La déviance est définie surtout de manière normative, comme transgression d’une règle. Pour Durkheim, elle peut révéler l’anomie ; pour Becker, elle résulte d’un processus d’étiquetage et peut conduire à une carrière déviante. Elle peut menacer la cohésion mais aussi être source de changements sociaux.
Conclusion
Normes et contrôle social sont indissociables : les premières fixent des règles, le second en garantit le respect. Ils assurent la cohésion sociale, mais expliquent aussi l’existence de la déviance, qui n’est pas un simple dysfonctionnement. Pour Durkheim, elle est un fait social normal, révélant parfois des crises de régulation ; pour Becker, elle résulte d’un processus d’étiquetage.
Les exemples empiriques montrent que la déviance peut être destructrice (délinquance) mais aussi créatrice de normes nouvelles (mouvements sociaux). Ainsi, l’étude des normes, du contrôle social et de la déviance aide à comprendre comment une société se régule et évolue.
