Nature et culture

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A) Distinction entre le naturel et le culturel

a) Qu’est-ce que la culture ?

La culture peut être définie dans un premier temps comme l’ensemble des créations techniques, sociales et spirituelles par lesquelles les hommes transforment la nature et se distinguent des autres espèces vivantes (par exemple les œuvres d’art, le mariage, ou les rites religieux). En ce sens, ce qui est naturel s’oppose à ce qui est culturel. Notre premier réflexe est donc de penser le couple nature/culture comme une opposition : en entrant dans un monde de culture, on s’arracherait à la nature. La nature serait définie, quant à elle, comme ce qui ne serait pas fabriqué, ce qui me serait donné de manière immédiate, au contraire de la culture, pensée comme artificielle. La nature est ainsi pour John Stuart Mill (1806-1873) « tout ce qui arrive sans l’intervention humaine » (La Nature).

Définitions

Dans un second temps, nous pouvons distinguer trois sens au mot culture :

le sens ontologique (qui définit l’être même de l’homme) : est culturel ce qui nous distingue des autres animaux (par exemple, la cuisson des aliments) ;

le sens « classique » : la culture est ici le processus d’instruction et d’éducation qui permet à l’homme de réaliser sa pleine condition d’être humain. L’être humain devient alors dépositaire d’un ensemble de connaissances héritées des générations passées qui font sa qualité d’être humain (par exemple, la connaissance d’un poème de Victor Hugo) ;

le sens anthropologique : la culture peut être aussi un synonyme de civilisation (on parlera ainsi de culture française, ou de culture occidentale).

b) L’homme, un être de culture

Ainsi, Blaise Pascal (1623-1662) dans la Préface à un traité du vide, compare les abeilles aux êtres humains, et montre que les premières ont une vie anhistorique (sans fil historique). Leur « savoir » (la technique de fabrication d’une ruche) ne vient pas d’un processus d’apprentissage, mais constitue le résultat de la nécessité, qui s’exprime en elles à travers l’instinct. Au contraire, les êtres humains doivent apprendre tout ce qu’ils savent, mais peuvent donc aussi accumuler indéfiniment des connaissances, au niveau de l’individu comme au niveau de l’espèce, ce qui n’est pas le cas pour les abeilles : « les ruches des abeilles étaient aussi bien mesurées il y a mille ans qu’aujourd’hui, et chacune d’elles forme cet hexagone aussi exactement la première fois que la dernière. »

Repères

Genre/espèce/individu

Genre (du latin genus, du grec genos, « origine, naissance, race ») : en biologie, on classe les êtres selon une famille, divisée elle-même en genre, divisé lui-même en espèce. Par exemple, l’être humain fait partie de la famille des hominidés, du genre Homo et de l’espèce des Homo Sapiens.

Espèce (du latin species, « apparence, aspect ») : en biologie, ensemble de tous les individus qu’un ou plusieurs caractères communs permettent de classer ensemble.

Individu (du latin individuus, « indivisible ») : corps vivant formant un tout.

En biologie, les notions d’individu, d’espèce et de genre sont des catégories qui servent à la classification des êtres : chaque individu fait partie d’une espèce qui elle-même fait partie d’un genre. On s’élève ainsi du plus particulier au plus général.

Les êtres humains semblent donc être les seuls à avoir une culture : ils échappent au déterminisme naturel parce qu’ils ont la capacité de se perfectionner et qu’ils sont animés par un principe de changement. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) dans le Discours sur l’origine et le fondement de l’inégalité parmi les hommes appelle cela la perfectibilité. Mais si les êtres humains ne sont pas déterminés une fois pour toutes par leur nature, leur culture est donc contingente (tout ce qui est culturel varie selon les époques et les civilisations) et particulière, alors que ce qui est naturel est universel et nécessaire.

Repères

Contingent/nécessaire

Est contingent ce qui pourrait être différent, ou ne pas être.

Est nécessaire ce qui ne peut pas ne pas être, ou qui ne peut pas être autrement.

B) La culture n’est pas la négation de la nature

Le problème se complexifie quand il s’agit de savoir ce qui est naturel ou culturel en l’homme. En effet, la culture n’est pas que la transformation de la nature à l’extérieur de nous, mais aussi en nous.

Or, si ce qui était culturel en l’homme était une négation complète de ce qu’il est à l’état de nature, autrement dit si la culture avait pour unique but de nous arracher à la nature, alors il serait facile de déterminer ce qui en l’homme est de l’ordre de la nature, et ce qui est de l’ordre de la culture. Mais le culturel ne s’oppose pas au naturel, n’en est pas sa négation complète, puisque la plupart des pratiques culturelles sont en fait une actualisation de ce qui était déjà en puissance naturellement. À partir de besoins et événements naturels (manger, boire, dormir à l’abri, assurer la préservation de l’espèce, mourir), l’être humain a élaboré des pratiques et systèmes culturels qui, eux, diffèrent selon les civilisations.

Exemple

Ainsi, les coutumes et interdits alimentaires sont une actualisation dans la culture d’un besoin naturel, celui de se nourrir pour se maintenir en vie et en santé.

C) Le problème de l’inné et de l’acquis

Définitions

Est considéré comme inné un caractère biologique ou physiologique censé relever de la nature puisqu’il est présent chez l’être vivant dès la naissance.

Est considéré comme acquis un caractère qu’on acquiert après la naissance, qui dépend de l’environnement et donc de la culture.

La question de ce qui est naturel et ce qui est culturel en l’homme recoupe en fait la distinction entre l’inné et l’acquis. Or, le débat entre l’inné et l’acquis chez l’être humain amène bien souvent à une impasse, parce qu’on a tendance à vouloir tout expliquer par l’un ou par l’autre :

d’un côté tout serait inné, tout serait déterminé par des lois mécaniques ou génétiques ;

de l’autre, tout serait acquis, toutes les manifestations qui nous paraissent naturelles seraient le résultat de processus sociaux.

Ainsi, même dans le cas d’un objet qui nous paraît le plus naturel possible (notre corps), la limite entre l’inné et l’acquis, le naturel et l’artificiel semble extrêmement difficile à déterminer. En effet, notre corps semble être le signe de la matérialité en nous et nous rapprocher des autres êtres vivants : comme eux, nous naissons, avons des besoins corporels et mourrons. Mais selon les cultures, les classes sociales, les genres, les corps vont être plus ou moins minces, plus ou moins musclés, tatoués, percés, modifiés par les habits, et donc transformés par la culture.