Le numérique est devenu central pour une large part de l’humanité. Cette tendance positive par bien des aspects n’est pas sans conséquences éthiques et écologiques.
I. La face lumineuse du numérique
Le numérique est aujourd’hui omniprésent dans nos sociétés : dans la vie sociale, la vie éducative, la santé, les démarches administratives ou encore les loisirs.
Cette numérisation comporte pléthore d’aspects positifs bien connus comme l’amélioration de l’efficacité de nombreuses procédures, des économies de papier, des avancées dans le domaine de la médecine, des loisirs, de la consommation et de la communication.
II. La consommation énergétique liée au numérique
Ces dernières années, la consommation énergétique du numérique augmente de 9 % par an et représente en 2020 plus de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, dépassant ainsi les émissions de CO2 de l’aviation et représentant quatre fois la consommation énergétique de la France.
L’usage du numérique est responsable de 55 % de sa consommation énergétique, contre 45 % pour la production des équipements.
Tous les usages du numérique sont concernés : une simple requête sur un moteur de recherche ou l’envoi d’un email ordinaire peut générer quelques grammes de CO2. Un mail avec de volumineuses pièces jointes envoyé à des destinataires multiples peut générer jusqu’à 50 g de CO2. Même après envoi, les courriels continuent à dépenser de l’énergie pour leur stockage. De nombreux utilisateurs conservent des dizaines de milliers mails non lus dans leur boîte de réception générant au niveau mondial une consommation de plusieurs centaines de TWh par an.
Parmi les usages les plus gourmands en énergie on trouve également la vidéo, avec notamment les plateformes de VOD ou de streaming, qui occupe une très large part de la bande passante d’Internet (plus de 60 %) et des ressources de stockage considérables dans le cloud.
La fabrication d’un ordinateur est également très consommatrice de matières premières.
Le cycle de vie d’un ordinateur portable
Fabrication d’un ordinateur de 2 kg : 800 kg de matières premières mobilisées, 124 kg de CO2 émis (169 kg de CO2 sur l’ensemble du cycle de vie).
III. Les biais des algorithmes
Les algorithmes semblent être des créations neutres et imperméables à l’idéologie, mais une observation un peu plus attentive peut nous inviter à la réflexion. Les algorithmes sont en effet des créations humaines qui ne sauraient échapper aux intentions, biais cognitifs ou sensibilités culturelles de ceux qui les développent. Ainsi, les premiers algorithmes de reconnaissance de visages développés aux États-Unis se sont révélés avoir été conçus pour des visages masculins de type caucasien et avoir des performances très dégradées pour les personnes à la peau foncée !
Les biais technologiques préexistent à l’informatique. Ainsi les premiers airbags étaient adaptés à des hommes de grande taille, provoquant des blessés ou des morts chez des femmes et des enfants pour lesquels ils étaient totalement inadaptés.
On peut aussi penser à ce stade que l’apparition d’un biais dans un algorithme est un accident, mais Cathy O’Neil dans son livre Algorithmes, la bombe à retardement et Aurélie Jean dans De l’autre côté de la machine nous démontrent qu’il n’en est rien et que le biais est consubstantiel à tout modèle, quand il n’est pas intentionnel !
Cathy O’Neil dévoile une variété d’usages excessifs des systèmes de « scores » pour entrer à l’université, établir la capacité à emprunter, sélectionner des employés, des futurs étudiants ou même juger et condamner des personnes en fonction de leur potentiel « calculé » de récidive.
À noter
Ces scores rassurent et permettent à des professionnels de prendre des décisions rapides sur un critère unique mais cachent la vraie complexité du monde réel, induisant parfois sciemment en erreur des personnes.
Le concepteur de modèles numériques et de logiciels doit être conscient de ces biais omniprésents car sa responsabilité sociale est grande. Hors de leur plage de validité, la pertinence des modèles est très limitée. Le modèle n’est jamais le réel, de grands artistes l’on bien senti et dépeint comme le peintre René Magritte ou l’écrivain Jorge Luis Borges.