Introduction
Quand une usine rejette des fumées polluantes dans l’air, les habitants subissent des problèmes de santé sans avoir participé à la production. À l’inverse, lorsqu’une personne se fait vacciner, elle protège aussi les autres contre la maladie, même s’ils n’ont rien payé. Ces deux situations illustrent ce que les économistes appellent des externalités : des effets positifs ou négatifs d’une activité économique qui touchent des tiers sans passer par le prix de marché.
Les externalités constituent une défaillance du marché, car elles empêchent celui-ci de refléter correctement les coûts et bénéfices collectifs. Dans cette leçon, nous verrons comment les externalités négatives (pollution, bruit, embouteillages) et positives (vaccination, éducation) créent une inefficacité allocative, puis comment l’État peut intervenir pour corriger ces défaillances et rapprocher l’économie de l’optimum social, c’est-à-dire la quantité produite et consommée qui maximise le bien-être collectif.
Les externalités négatives : des coûts cachés pour la société
Une externalité négative apparaît lorsqu’une activité fait peser un coût sur d’autres agents économiques sans compensation. La pollution en est l’exemple le plus emblématique. Une entreprise qui rejette du dioxyde de soufre dans l’air ne paie pas pour les maladies respiratoires qu’elle provoque, ni pour la dégradation de l’environnement. Le prix du produit polluant est donc plus bas que son vrai coût social. Résultat : la production est trop élevée par rapport à ce qui serait souhaitable pour la collectivité.
Mais les externalités négatives ne se limitent pas à l’écologie. Les embouteillages illustrent bien ce mécanisme : chaque automobiliste choisit de prendre sa voiture en fonction de son intérêt privé, mais il ralentit la circulation pour les autres et crée une perte de temps collective. De même, le bruit des avions dégrade le confort et la valeur immobilière des riverains sans compensation. Dans tous ces cas, le marché oriente les ressources vers des usages qui détruisent du bien-être collectif : il y a inefficacité allocative, car les ressources ne sont pas utilisées de façon optimale pour la société.
À retenir
Les externalités négatives, comme la pollution, le bruit ou les embouteillages, génèrent des coûts sociaux non intégrés dans les prix. Elles provoquent une surproduction et créent une inefficacité allocative.
Les externalités positives : des bénéfices insuffisamment produits
À l’inverse, une externalité positive existe lorsqu’une activité génère des avantages pour d’autres sans être rémunérée. La vaccination en est un exemple clair. Une personne vaccinée réduit sa probabilité d’être malade, mais aussi celle de transmettre la maladie aux autres. Pourtant, ce bénéfice collectif n’entre pas dans son calcul individuel. Si le vaccin coûte 20 €, certains renoncent à se vacciner, alors que la société aurait intérêt à ce que la couverture vaccinale soit plus élevée. Le marché conduit donc à une sous-consommation par rapport au niveau optimal.
L’éducation fonctionne de la même façon. Un étudiant paie pour ses études, mais sa formation profite aussi à la société : il contribue à l’innovation, à la croissance économique et aux recettes fiscales futures. Comme ce bénéfice collectif n’est pas inclus dans le prix du service éducatif, le marché n’assure pas une offre suffisante, ce qui constitue encore une inefficacité allocative.
À retenir
Les externalités positives, comme la vaccination et l’éducation, apportent des bénéfices collectifs sous-évalués par le marché. Elles conduisent à une sous-production et traduisent elles aussi une inefficacité allocative.
Vers l’optimum social
Dans les deux cas — externalité négative ou positive — le marché échoue à atteindre l’optimum social. C’est la quantité produite et consommée qui maximise le bien-être collectif, en tenant compte à la fois des coûts privés et sociaux, des bénéfices individuels et collectifs.
Les externalités créent donc une inefficacité allocative : trop de ressources sont consacrées à des activités nuisibles (surproduction de biens polluants) et pas assez à des activités socialement utiles (sous-production de vaccination ou d’éducation).
Pour se rapprocher de cet optimum, l’État dispose de plusieurs instruments. Les taxes pigouviennes (comme la taxe carbone) renchérissent les activités polluantes afin d’intégrer leur coût social dans le prix. Les subventions (vaccination gratuite, financement public de l’éducation) encouragent les activités bénéfiques en réduisant leur coût pour les consommateurs. Les réglementations imposent des limites ou des normes, par exemple sur les émissions de polluants ou les quotas de pêche. Enfin, les marchés de droits à polluer donnent un prix à la pollution et incitent les entreprises à réduire leurs émissions. Ces politiques permettent d’internaliser les externalités, c’est-à-dire d’intégrer dans les décisions économiques les effets positifs ou négatifs qui étaient auparavant ignorés.
À retenir
L’optimum social correspond à la quantité qui maximise le bien-être collectif. Pour s’en approcher, l’État utilise taxes, subventions, réglementations et droits à polluer pour internaliser les externalités.
Conclusion
Les externalités prouvent que le marché, livré à lui-même, ne garantit pas toujours une allocation efficace des ressources. En produisant trop de nuisances (pollution, bruit, embouteillages) ou pas assez de biens utiles (vaccination, éducation), il s’éloigne de l’optimum social. L’intervention publique permet d’internaliser les externalités et de corriger cette défaillance : taxes, subventions, réglementations et marchés de droits à polluer orientent les décisions individuelles vers l’intérêt collectif et rapprochent l’économie de la quantité produite et consommée qui maximise le bien-être collectif.
