Le drame du XVIIIe au XXIe siècle

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Dans une volonté de dépasser l’opposition traditionnelle de la tragédie et de la comédie, les écrivains ont, dès le XVIIIe siècle, inventé un troisième genre, celui du drame.

I Au XVIIIe siècle, le drame bourgeois

Repère
Mot clé

Le mot drame est plus neutre que les mots comédie ou tragédie : provenant du grec drama, « action », il ne préjuge en rien de la tonalité de cette action.

Théorisé par Diderot et Beaumarchais, le drame bourgeois est né dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et se veut un intermédiaire entre la comédie et la tragédie.

Les personnages sont des bourgeois (ni des valets de comédie, ni des empereurs de tragédie), et sont contemporains de l’époque de l’écriture.

Le sujet est toujours domestique, et donc très éloigné des intrigues politiques que montrent les tragédies. Il s’agit généralement de conflits familiaux qui se déroulent dans un intérieur bourgeois.

L’esthétique est réaliste : les situations montrées sur scène doivent paraître très vraisemblables au public, qui se reconnaît nécessairement dans les protagonistes. Elle s’appuie sur le principe du tableau, qui dispose les personnages sur la scène dans une attitude caractéristique.

La tonalité est pathétique, voire larmoyante : le drame fait appel à la sensibilité et cherche à provoquer les pleurs du public.

La fonction est didactique : le pathétique est au service de l’édification morale des spectateurs.

II Au XIXe siècle, le drame romantique

Défini par différents textes théoriques, comme la préface de Cromwell de Victor Hugo (1827), le drame romantique gagne ses lettres de noblesse au cours de la célèbre « bataille d’Hernani » (1830), qui voit s’affronter les partisans du théâtre romantique et ceux du théâtre classique.

Fondé sur le rejet des règles et des genres du théâtre classique, le drame romantique se définit par :

– la revendication d’une liberté de création qui s’affranchit de toutes les règles, à commencer par celle des trois unités, sauf l’unité d’action ;

– la volonté de mélanger les genres et les tonalités, en proposant, selon les mots de Victor Hugo dans la préface de Cromwell, une esthétique fondée sur l’alliance du « sublime » et du « grotesque » ;

– des sujets empruntés à l’histoire, en particulier à l’histoire moderne et contemporaine, que la scène évoque par un effet de couleur locale dans le but de recréer le caractère de l’époque et du lieu ;

– des personnages héroïques, animés par une passion démesurée et souvent à la marge de la société, tels Hernani le brigand (Hernani de Hugo, 1830) ou Lorenzo, à la fois ange et démon (Lorenzaccio de Musset, 1834).

III Aux XXe et XXIe siècles, le drame moderne

Au XXe siècle, le drame prend des visages très divers, du drame symboliste de Claudel (L’Annonce faite à Marie, 1912) au théâtre engagé de Camus (Les Justes, 1949), du drame politique de Genet (Les Bonnes, 1947) au théâtre poétique de Koltès (Dans la solitude des champs de coton, 1986).

Néanmoins, après la Seconde Guerre mondiale, apparaissent de nombreux drames réunis parfois derrière la bannière d’un « Nouveau Théâtre » (ou théâtre de l’absurde). Leurs caractéristiques sont les suivantes :

• L’intrigue est à peu près inexistante, comme dans En attendant Godot de Beckett (1953).

• Le personnage est en crise, au point de n’être plus désigné que par une initiale, comme dans Le Silence de Sarraute (1967).

• Le délitement du langage devient l’objet même du drame, comme dans La Cantatrice chauve de Ionesco (1950).

• Le corps des comédiens occupe une place centrale pour incarner les souffrances humaines, comme dans Fin de Partie de Beckett (1957) ou Rhinocéros de Ionesco (1959).