La technique n’est-elle qu’une application de la science ?

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Si la science cherche le vrai et que la technique vise l’utile, il semble logique de se représenter la technique comme chronologiquement postérieure à la science, dont elle ne serait que la concrétisation. La technique dérive-t-elle entièrement des connaissances scientifiques ?

I) La technique précède la science

1 ) Une question de chronologie

Historiquement, la technique précède la science : elle est indispensable à l’homme pour sa survie, alors que la connaissance scientifique n’a pas cette urgence. C’est ainsi que Bergson souligne que l’homme a été homo faber, constructeur d’outils, avant d’être homo sapiens, individu visant à connaître le monde.

C’est ainsi, par exemple, que la médecine a précédé les sciences physiques, chimiques et biologiques : au Néolithique, la trépanation, opération consistant à pratiquer un trou dans la boîte crânienne, était une pratique opératoire courante, alors qu’on ne disposait d’aucune connaissance scientifique de l’anatomie du crâne et encore moins des mécanismes cérébraux.

2 ) La science comme solution aux difficultés de la technique

La technique antérieure à la science est une pratique spontanée et routinière, qui rencontre de nombreux échecs. Elle est donc insatisfaisante pour l’homme, qui va tâcher de comprendre les raisons de ces échecs. Tel est l’acte de naissance de la recherche scientifique.

Les difficultés rencontrées par les techniciens provoquent une mutation de l’esprit : le savant s’empare alors d’obstacles techniques et en fait des ­problèmes théoriques.

À noter

Les anciens Égyptiens ont développé les sciences, mais uniquement dans une perspective pratique (construction architecturale, administration…), sans s’engager dans un examen scientifique du monde. Ce n’est qu’avec les Grecs qu’apparaîtront les démonstrations.

Alors que la ville de Florence était en plein essor, au XVIIe siècle, et qu’elle avait donc besoin d’un meilleur approvisionnement en eau, les fontainiers se sont demandé comment faire monter l’eau dans les pompes au-delà de 10,33 mètres. Torricelli et Pascal se sont interrogés sur les causes du problème. Les scientifiques découvrent alors que la hauteur maximale de l’eau est déterminée par la pression atmosphérique.

II) Technique et science s’enrichissent mutuellement

1)  La science participe aux succès de la technique

Même la science la plus désintéressée contribue à la réussite de techniques. L’invention du transistor, qui remplaça avantageusement les lampes dans les récepteurs radio, fut par exemple rendue possible par la science physique pure, et plus précisément par l’étude fondamentale de la diffusion des électrons par la matière.

2)  La technique est indispensable à la science

La technique est au cœur même de la démarche scientifique, dans la mesure où elle permet de vérifier les hypothèses grâce à des instruments.

Ce lien est de plus en plus patent avec la science contemporaine : la physique atomique serait impossible sans tout un appareillage technique extrêmement sophistiqué. Par exemple, l’existence du boson de Higgs, une particule élémentaire, n’aurait pas pu être prouvée en 2012 sans un accélérateur de particules de près de vingt-sept kilomètres : le grand collisionneur de hadrons.

Ainsi, il faut en conclure avec Bachelard qu’« une science a l’âge de ses instruments de mesure. » La connaissance scientifique est toujours une connaissance approchée, corrélée à l’état de développement des instruments techniques de mesure du réel.

Enfin, l’image d’une science absolument pure est erronée : comme la technique, la science a pour but de mesurer des résultats et de prévoir, non de connaître les causes premières ou l’essence des choses.