La laïcité en Turquie

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Entré en guerre en octobre 1914 aux côtés de l’Allemagne, ­l’Empire ottoman se disloque sous le choc de la défaite de 1918. C’est sur ses ruines que Mustafa Kemal érige une nouvelle Turquie, républicaine et laïque.

I La fin de l’Empire ottoman et du califat

1 La dislocation de l’empire

Le 30 octobre 1918, l’Empire ottoman signe un armistice avec les Alliés. À Istanbul, le sultan Mehmed VI peine à contenir les exigences territoriales des Britanniques et des Français. Il doit aussi faire face à l’opposition de l’un de ses généraux, Mustafa Kemal. Depuis Ankara en Anatolie, celui-ci dénonce la trahison du sultan et remet en cause son pouvoir théocratique.

En janvier 1920, dans la chambre des députés nouvellement élue, les ­kémalistes sont majoritaires. Réunie à Ankara, elle forme la Grande Assemblée nationale de Turquie (GANT).

Mehmet VI perd ses derniers soutiens en signant le traité de Sèvres le 10 août 1920, qui prévoit le démantèlement de l'Empire ottoman.

2 La proclamation de la République

En 1922, Kemal l’emporte face aux armées étrangères, notamment grecque, qui occupaient en partie le pays. Mehmet VI s’exile et la fonction de sultan est supprimée le 1er novembre.

Au pouvoir, Kemal cherche à renégocier les conditions de paix avec les Alliés. Signé le 24 juillet 1923, le traité de Lausanne reconnaît l’intégrité territoriale de la Turquie.

Sauveur de la Turquie, Kemal fait proclamer la République le 29 octobre 1923, dont il est élu président par la GANT. Le 3 mars 1924, il réussit à faire voter l’abolition du califat. Contestée en Turquie, cette décision suscite des troubles dans tout le monde sunnite.

INFO + Mustafa Kemal Atatürk

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Né en 1881, à Salonique, il suit des études militaires.

Général, il remporte la bataille des ­Dardanelles en 1916.

En 1923, il devient le premier président de la République turque.

Surnommé Atatürk (« père des Turcs »), il gouverne jusqu’à sa mort en 1938.

II Laïcisation et modernisation de la Turquie

1 La séparation du religieux et du politique

Admirateur de la France, Kemal voit dans la laïcité un progrès. ­L’islam perd alors son statut de religion d’État et le droit islamique (fikh) est remplacé par un nouveau code civil en 1926.

Plus encore, un contrôle de la religion se met en place. Les fondations musulmanes sont interdites, les imams deviennent des fonctionnaires de l’État.

Dès 1924, un effort particulier est entrepris en direction de l’éducation. Les écoles religieuses (madrasas) sont fermées et remplacées par des établissements mixtes et laïques.

2 Entre occidentalisation et turquisation du pays

Repère
Mot clé

L’émancipation des femmes en Turquie passe par l’interdiction du voile et de la polygamie et le droit de vote et d’éligibilité.

Influencé par les pays européens, Kemal occidentalise la Turquie. Le nouveau code civil prend ainsi pour modèle celui alors en vigueur en Suisse. Le calendrier grégorien est adopté en 1925. L’émancipation des femmes est favorisée.

Ces réformes s’inscrivent dans un cadre nationaliste. Kemal « turquise » ainsi la liturgie musulmane, remplaçant l’arabe par un alphabet turc aux caractères latins.

S’appuyant sur un parti unique, Kemal impose ce réformisme de manière autoritaire, en particulier contre les résistances des éléments les plus cléricaux de la société.