La France dans l'Europe

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Les relations entre la France et l’Europe sont anciennes, complexes, en perpétuel mouvement et surtout sources de permanents débats. L’analyse de l’histoire depuis un demi-siècle permet cependant de tirer deux constats assez clairs : l’Europe a joué à la fois un rôle d’accélérateur et de frein relativement à la puissance française. Lentement, la France paraît s’être européanisée, mais ce processus n’est probable- ment pas aussi profond que les détracteurs de l’Europe le disent.

L’Europe, accélérateur et frein de la puissance française

a. L’Europe, accélérateur de la puissance française

L’idée que la France a profité (et profite) de l’Europe ne se dément pas. Ainsi, depuis le début des années 1950, la France a connu une croissance sans précédent. Actuellement, la France réalise plus des 3/4 de ses échanges avec les pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et plus de 60 % avec ses partenaires de l’Union européenne (50 % avec la zone euro).

La part de l’Europe dans le commerce extérieur de la France n’a cessé de se renforcer au cours de ces dernières décennies et a gagné près de 20 points depuis les années 1960. Il y a donc eu une réelle dynamique de marché liée à la construction européenne et la France en a profité, puisque le solde de ses échanges avec les pays de l’Union est excédentaire.

Les six principaux clients de la France sont d’ailleurs ses proches voisins européens : Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Belgique, Luxembourg et Espagne. Le partenaire privilégié qui occupe de longue date le premier rang dans les échanges avec la France est l’Allemagne, premier client et premier fournisseur de la France.

La décision de participation de la France à l’intégration régionale se révèle aussi être une arme stratégique incontestable (assurer le pays sur un continent dévasté par deux grands conflits et réaliser un équilibre des forces en Europe), et une condition nécessaire à l’augmentation de sa richesse.

b. L’Europe, frein à la puissance française

La construction de l’Europe est, en fait, la grande ambition de l’après Seconde Guerre mondiale dans le monde occidental. Or, cette construction, dans laquelle la France a été l’un des moteurs principaux, n’a pu se réaliser que par des abandons successifs de souveraineté et de compétences.

Une Europe forte exige en effet un équilibre des forces internes, c’est-à-dire le partage des responsabilités, la mise en commun d’atouts nationaux, le renoncement à des prérogatives, par exemple en termes géopolitiques.

Pour certains, cette évolution génère une crainte que l’ouverture n’altère son modèle (d’où les réticences à l’égard de la mondialisation et la crainte du déclassement). Cette dernière a nourri un courant de pensée qui ressurgit dès que les premières faiblesses apparaissent.

La crainte du déclassement est une véritable angoisse existentielle pour la France dans la mesure où la perte de son « rang » mettrait à mal un fondement majeur de l’identité nationale. Ce débat reste par conséquent vif en France.

L’européanisation de la France

Le débat sur l’européanisation de la France est permanent et rebondit à l’occasion de chaque élargissement. En fait, si européanisation il y a, celle-ci se réalise à plusieurs vitesses, et n’apparaît pas inexorable.

a. Une européanisation à plusieurs vitesses

L’européanisation peut être définie comme « un ensemble de processus permettant l’intégration de la dynamique européenne en matières politique, sociale et économique dans les logiques des discours, représentations identitaires, structures poli- tiques et actions publiques nationales ». Ainsi, c’est à travers les politiques publiques que l’européanisation s’exprime véritablement.

Or, la construction européenne, depuis le traité de Rome (1957), permet de montrer que l’on assiste à une montée en puissance des politiques communes, c’est-à-dire à des abandons croissants et irréversibles de souveraineté.

De plus, quand bien même des secteurs de l’action gouvernementale ne passeraient pas sous la coupe des politiques communes, les contraintes budgétaires (respect des critères de Maastricht, par exemple) et financières (nécessité de mener une politique de lutte contre l’inflation) sont telles que l’échelle de l’européanisation serait très élevée. Ainsi en est-il par exemple des domaines de la protection sociale, de l’éducation ou encore de la fiscalité qui, bien que dominés par des acteurs nationaux (français en l’occurrence), sont largement influencés par l’Union européenne.

b. Une européanisation non inexorable

L’européanisation, quelle que soit la vitesse à laquelle elle se réalise, n’est cependant ni uniforme, ni inexorable. Deux raisons peuvent le justifier :

– les politiques communes n’empêchent pas la France de disposer de degrés de liberté dans l’application de ces politiques. Ce que l’on constate, par exemple dans les domaines de la politique agricole commune (PAC) ou de la politique de la concurrence, est que le foisonnement réglementaire n’implique en aucun cas que la marge de manœuvre des États s’en trouve réduite en matière de politique intérieure ; il n’y a pas non plus de caractère automatique dans la mise en œuvre de telles politiques dans l’économie et la société françaises ;
– le principe de subsidiarité s’applique souvent. Ce principe vise à privilégier le niveau inférieur d’un pouvoir de décision aussi longtemps que le niveau supérieur n’est pas capable d’agir plus efficacement. Cela implique, de façon implicite, que les politiques européennes n’ont qu’une influence mineure en termes d’européanisation, affectant peu le principe de souveraineté nationale.