La déviance comme transgression des normes

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Dans cette leçon, tu vas apprendre à distinguer la déviance de la délinquance et à comprendre pourquoi la transgression des normes est à la fois inévitable et socialement construite. Tu verras avec Durkheim, Becker et Goffman comment la déviance peut renforcer la cohésion, résulter de l’étiquetage ou de la stigmatisation, et parfois transformer les normes collectives. Mots-clés : déviance, délinquance, Durkheim, Becker, Goffman, normes sociales, carrières déviantes.

Introduction

Un adolescent qui porte une casquette en classe, une femme qui revendique le droit de voter au début du XXe siècle, un militant écologiste qui bloque une route pour dénoncer la pollution : tous ces comportements peuvent être qualifiés de déviants, car ils s’écartent des normes attendues. Mais la déviance ne se réduit pas à une simple transgression : elle est aussi relative et socialement construite.

Ce qui est jugé déviant dans un groupe ou à une époque peut être accepté ailleurs ou plus tard. Le programme de Première invite à comprendre cette relativité, ainsi que le rôle de la déviance dans la régulation et l’évolution des sociétés.

Déviance et délinquance : deux réalités à distinguer

La déviance désigne tout comportement qui transgresse une norme, qu’elle soit implicite (norme sociale) ou explicite (norme juridique). Elle inclut des comportements non sanctionnés par la loi mais jugés inacceptables socialement, comme parler trop fort dans le bus, se présenter en jogging à un entretien d’embauche, ou taguer un mur. On appelle souvent incivilités ces petits comportements perturbateurs du vivre-ensemble.

La délinquance, en revanche, correspond uniquement aux infractions à la loi sanctionnées par la justice, comme les vols ou les agressions.

Cette distinction est centrale : toutes les déviances ne sont pas des délits. Dire « tu » à un professeur est une déviance sociale, mais pas une délinquance. À l’inverse, un cambriolage est à la fois une déviance et une délinquance.

Durkheim soulignait que la déviance est un fait social normal : il y aura toujours des individus pour transgresser les règles. Cette transgression joue une fonction intégratrice et régulatrice : elle rappelle les limites à ne pas franchir, renforce la cohésion autour de la norme et permet d’ajuster les règles collectives quand elles ne sont plus adaptées.

À retenir

La déviance englobe toutes les transgressions de normes, tandis que la délinquance concerne uniquement les infractions à la loi. Pour Durkheim, la déviance est normale car elle contribue à la cohésion et à la régulation sociale.

La construction sociale de la déviance

Howard Becker montre que la déviance n’est pas une essence mais un processus : un individu devient déviant lorsqu’il est étiqueté comme tel par les autres. Par exemple, un élève traité de « perturbateur » peut finir par se comporter en conséquence. Ce mécanisme peut conduire à une carrière déviante, c’est-à-dire une suite d’expériences et de rejets qui enferment progressivement un individu dans un rôle marginal.

Erving Goffman insiste sur la stigmatisation : certains attributs, comme un handicap, une apparence jugée atypique ou un casier judiciaire, peuvent suffire à discréditer une personne et à la placer en marge. La stigmatisation, comme l’étiquetage, enferme dans une identité déviante, même si le comportement ne transgresse pas directement une règle.

Ces analyses montrent que la déviance est une construction sociale : elle dépend du regard et des réactions du groupe autant que de l’acte lui-même.

À retenir

La déviance n’est pas seulement un acte : elle est construite par l’étiquetage, la stigmatisation et les « carrières déviantes ».

La diversité et la relativité des formes de déviance

La déviance varie selon les époques, les sociétés et les groupes sociaux. Ce qui est déviant ici peut être accepté ailleurs ou plus tard. L’alcool est légal en France mais interdit dans certains pays ; l’usage du cannabis est sanctionné en France mais légal ailleurs. L’homosexualité, autrefois criminalisée, est aujourd’hui reconnue comme légitime dans la plupart des pays occidentaux. Ces exemples montrent que les normes sont relatives et historiques.

La déviance varie aussi selon les groupes sociaux. Porter une casquette en classe peut être jugé irrespectueux par un enseignant mais banal entre adolescents. Les incivilités contemporaines — comme les fraudes dans les transports, les tags ou les nuisances sonores — sont également perçues comme déviantes car elles perturbent la vie collective, même si elles ne relèvent pas toujours de la délinquance.

Mesurer la délinquance, qui est une forme particulière de déviance, reste complexe. Les statistiques policières et judiciaires ne recensent que les infractions connues des autorités. Le chiffre noir de la délinquance correspond aux infractions non déclarées ou non enregistrées. Pour compléter, on utilise des enquêtes de victimation, qui reposent sur des sondages réalisés par des organismes comme l’Insee ou l’ancien Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Ces enquêtes demandent directement aux individus de déclarer les délits ou incivilités dont ils ont été victimes, qu’ils aient ou non porté plainte.

À retenir

La déviance est relative : elle varie selon les sociétés, les époques et les groupes sociaux. La délinquance se mesure difficilement à cause du « chiffre noir », d’où l’intérêt des enquêtes de victimation par sondage.

Conclusion

La déviance correspond à une transgression des normes, mais elle est relative et socialement construite. Elle ne se confond pas avec la délinquance, limitée aux infractions juridiques sanctionnées par la loi. Pour Durkheim, elle renforce la cohésion sociale ; pour Becker et Goffman, elle résulte de processus d’étiquetage et de stigmatisation pouvant enfermer dans une carrière déviante. Mais la déviance peut aussi être porteuse de changements sociaux.

Des comportements autrefois jugés déviants — le combat des suffragettes pour le droit de vote, les luttes féministes, antiracistes ou écologistes — sont devenus légitimes et ont transformé les normes collectives. L’étude de la déviance éclaire donc à la fois la régulation sociale et les dynamiques de changement.