L’intervention des pouvoirs publics face aux défaillances

icône de pdf
Signaler
Dans cette leçon, tu comprends pourquoi l’État intervient pour corriger les défaillances de marché. Tu verras les différents instruments mobilisés — normes, taxes, subventions, production de biens collectifs ou régulation des biens communs — ainsi que les limites et risques de l’action publique. Mots-clés : défaillances de marché, régulation, taxes et subventions, biens collectifs, biens communs, action publique.

Introduction

Pourquoi l’État impose-t-il une taxe carbone, subventionne-t-il la vaccination ou finance-t-il l’éclairage public ? Ces interventions traduisent une idée clé : le marché ne fonctionne pas toujours de manière optimale. Les économistes parlent de défaillance de marché lorsqu’un marché libre n’aboutit pas à l’optimum de Pareto, c’est-à-dire une situation où il serait impossible d’améliorer le bien-être d’un individu sans détériorer celui d’un autre. Ces défaillances apparaissent face aux externalités (pollution, vaccination), à l’information asymétrique (assurance, voitures d’occasion), aux biens collectifs et aux biens communs. Dans ces cas, les pouvoirs publics interviennent pour corriger les déséquilibres et rapprocher l’économie de l’intérêt collectif.

Réguler et encadrer les comportements

Un premier instrument est la régulation, c’est-à-dire l’imposition de règles et de normes pour encadrer les activités économiques. Par exemple, des normes environnementales fixent des plafonds d’émissions polluantes pour les industries, tandis que des contrôles sanitaires garantissent la sécurité des aliments. Dans le domaine de la santé, la certification des médicaments ou le carnet d’entretien obligatoire pour une voiture d’occasion visent à limiter les problèmes d’information asymétrique. Ces instruments réglementaires permettent de restaurer la confiance entre acteurs économiques, indispensable au bon fonctionnement des marchés.

À retenir

La régulation par les normes est un instrument réglementaire qui fixe des règles obligatoires pour corriger les défaillances de marché.

Taxer les activités nuisibles et subventionner les activités utiles

Après la régulation, une autre solution consiste à agir sur les prix via taxes et subventions. Ces mesures relèvent d’instruments économiques, car elles modifient directement les incitations des agents. Une taxe rend plus coûteuses les activités nuisibles : la taxe carbone, par exemple, fait payer aux pollueurs le coût que leur activité impose à la société (maladies respiratoires, réchauffement climatique). Cela incite entreprises et ménages à modifier leurs comportements.

À l’inverse, les subventions encouragent les activités socialement utiles. La vaccination est gratuite ou subventionnée car elle bénéficie à l’individu et à la collectivité en réduisant la propagation des maladies. L’éducation est financée par l’impôt car elle profite à l’élève mais aussi à la société tout entière, en améliorant la productivité et la citoyenneté.

À retenir

Les taxes et subventions sont des instruments économiques qui modifient les incitations : elles font payer les comportements nuisibles et encouragent les comportements bénéfiques.

Produire et financer les biens collectifs et réguler les biens communs

Après les incitations par les prix, un autre mode d’action est la production directe. Certains biens essentiels, comme l’éclairage public ou la défense nationale, sont des biens collectifs purs : ils sont non rivaux et non exclusifs. Le marché ne les fournit pas à cause du problème du passager clandestin : chacun espère en bénéficier sans payer. L’État les finance donc grâce à l’impôt.

Le cas des biens communs est différent : ils sont non exclusifs mais rivaux. Les ressources halieutiques ou les forêts sont accessibles à tous, mais leur surexploitation réduit la quantité disponible pour les autres. En 1968, Garrett Hardin a popularisé l’idée de la tragédie des biens communs : laissés en accès libre, ces biens finissent par être détruits. Toutefois, cette thèse a été discutée : Elinor Ostrom (prix Nobel 2009) a montré que des communautés locales peuvent gérer durablement les ressources par des règles partagées.

Trois grandes voies de régulation existent : l’État, avec des quotas ou des interdictions (ex. quotas de pêche) ; le marché, avec des droits de propriété ou des quotas échangeables (comme les droits européens à polluer) ; les communautés locales, avec des règles collectives adaptées au contexte.

À retenir

Les biens collectifs sont produits par l’État car le marché ne les fournit pas, tandis que les biens communs risquent d’être surexploités. Leur régulation peut passer par l’État, le marché ou les communautés locales.

Les limites et risques de l’action publique

Même si l’intervention publique permet de corriger des défaillances, elle connaît aussi des limites. Les subventions représentent un coût budgétaire important. Les normes peuvent être contournées ou difficiles à appliquer, surtout à l’échelle internationale (comme pour la lutte contre le changement climatique). Parfois, les interventions publiques produisent elles-mêmes des défaillances de l’État : capture par des groupes d’intérêt (lobbying), asymétries d’information entre administrations et citoyens, ou lourdeurs bureaucratiques qui ralentissent l’efficacité des politiques.

Dans des marchés comme l’assurance, l’intervention publique ne peut pas totalement supprimer les problèmes d’asymétrie d’information (sélection adverse, aléa moral) : elle peut seulement les réduire par des obligations (assurance automobile obligatoire, bonus-malus) et des règles de transparence.

À retenir

L’action publique corrige les défaillances du marché mais peut générer ses propres défaillances : coûts budgétaires, contournements, bureaucratie ou capture par des groupes d’intérêt.

Conclusion

Les pouvoirs publics disposent de plusieurs instruments pour corriger les défaillances de marché : normes et régulations (instruments réglementaires), taxes et subventions (instruments économiques), production de biens collectifs et régulation des biens communs. Toutes ces interventions visent à rapprocher l’économie de l’optimum de Pareto, en améliorant l’allocation des ressources et en renforçant la confiance entre acteurs. Mais elles connaissent aussi des limites et peuvent engendrer leurs propres inefficacités. L’enjeu est donc de trouver un équilibre entre la logique du marché et l’action publique, afin d’assurer une organisation économique à la fois efficace et équitable.