L’inconscient ruine-t-il la morale ?

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La théorie freudienne met à mal l’idée, héritée de Descartes, d’un sujet pensant qui serait le véritable centre de commandes de l’activité psychique. L’existence de l’inconscient nous rendrait définitivement opaques à nous-mêmes. Mais elle pose aussi des problèmes moraux : qu’en est-il de la responsabilité de nos actes, et finalement de notre liberté ?

I) L’inconscient nie la liberté

1 ) L’inconscient choque la morale

L’inconscient conduit-il à l’inconscience et à l’irresponsabilité ? Cette conséquence immorale est souvent reprochée à la psychanalyse freudienne.

La nature même des désirs inconscients choque le sens moral. Le désir incestueux d’un enfant pour sa mère, le désir de meurtre du père, le déguisement de désirs honteux, sont autant de signes de l’immoralité de l’inconscient. De fait, l’inconscient ignore la morale, comme il ignore les contraintes de temps et d’espace.

À noter

Le complexe d’Œdipe désigne, chez le tout jeune garçon de trois ou quatre ans, le désir d’inceste avec sa mère. Œdipe, dans la tragédie grecque, est un héros qui tue son père Laïos, roi de Thèbes, et qui épouse sa mère Jocaste, sans savoir qu’ils sont ses parents.

2 ) L’inconscient nous détermine

La psychanalyse construit la théorie d’un sujet décentré par rapport à lui-même : « Le moi n’est pas maître dans sa propre maison » (Freud, Introduction à la psychanalyse). Ce qui signifie que le moi conscient est déterminé par des forces inconscientes qui le rendent opaque à lui-même et porteur d’illusions, comme celle de la liberté.

Sartre critique cette perte de liberté. Il affirme que seul un sujet conscient est donneur de sens. La liberté définit l’existence humaine, rendant l’homme totalement responsable de ses actes et de ses pensées. Refuser cette liberté est un acte de « mauvaise foi », un refus hypocrite d’assumer sa responsabilité en se cherchant des excuses.

Le tort de la psychanalyse, selon Sartre, est d’objectiver la vie mentale, de la traiter comme une chose soumise à des déterminismes psychiques, comme l’est le monde à des déterminismes naturels. Le déterminisme est une conception selon laquelle tout ce qui arrive se produit en vertu d’une chaîne de causes et d’effets nécessaires. Ainsi, la psychanalyse nie la liberté de l’homme, alors même que l’homme n’est pas un objet parmi les autres, mais une pure subjectivité, ce que Sartre appelle un « pour-soi ».

II) La connaissance de l’inconscient nous libère

1 ) Comprendre les causes qui nous déterminent

Selon Spinoza, la liberté n’est pas le libre arbitre, qui est illusoire, mais la connaissance de la nécessité. Elle nous permet de nous libérer des illusions et d’agir en connaissance de cause. C’est en ce sens que nous pouvons dire que la connaissance de notre détermination par l’inconscient nous libère.

2 ) Comprendre l’inconscient nous guérit

Connaître notre inconscient peut aussi nous libérer des maladies psychiques, nous soulager des souffrances mentales. Par exemple, la psychanalyse prétend guérir en aidant le patient névrotique à se remémorer les traumatismes enfouis dans l’inconscient, lesquels sont à l’origine de ses troubles.

3)  Le surmoi nous donne les normes morales

Si l’inconscient est largement immoral, une autre instance, elle aussi inconsciente, équilibre le psychisme en apportant une autorité morale : le surmoi. Ce dernier intériorise, à travers l’éducation, les valeurs et les normes morales. Il propose un « idéal du moi » qui sert de modèle positif à ma conduite, pour devenir « celui que je rêve d’être ». Ainsi, le surmoi surplombe le moi pour le juger et lui donner des repères moraux qui alimentent la ­censure exercée sur les pulsions inconscientes.

Mot-clé

La censure est un mécanisme inconscient qui empêche des désirs de devenir conscients et de se réaliser, car ils sont contraires aux normes sociales. Ces désirs censurés sont alors « refoulés ».