Juger les crimes nazis après Nuremberg

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Si les procès des criminels nazis permettent d’établir leurs différents niveaux de responsabilité, ils sont aussi des outils pour faire l’histoire et des moments de construction de la mémoire.

I) Une justice transitionnelle pour l’histoire

1)  Passer de la guerre à la paix

De novembre 1945 à octobre 1946, vingt-quatre dignitaires nazis sont poursuivis par le Tribunal militaire international de Nuremberg. L’accusation se base sur des documents écrits. Ils sont un point de départ pour écrire l’histoire du nazisme. Le génocide des Juifs est évoqué mais il est dilué dans la masse des crimes nazis.

Les Américains tiennent douze autres procès « successeurs » à Nuremberg avant 1949. 177 personnes sont jugées : des médecins des camps, des membres des Einsatzgruppen et ainsi que des entreprises comme IG Farben (productrice du Zyklon B). Au total, 5 025 personnes seront jugées dans les zones occidentales, et sans doute plus de 10 000 dans la zone soviétique.

L’ONU adopte en 1948 la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et la Déclaration universelle des droits de l’homme. La Shoah entre dans l’histoire de l’humanité.

2)  Une entreprise judiciaire difficile

Dans le contexte de la guerre froide, la justice est transférée aux autorités allemandes qui se montrent clémentes vis-à-vis des fonctionnaires et des officiers nazis. En 1947, Simon Wiesenthal crée en Autriche un centre de documentation qui se consacre à retrouver les criminels nazis qui ont fui, notamment en Amérique latine.

En France, dans les années 1950, les tribunaux militaires jugent des ­Allemands pour crimes de guerre, souvent par contumace : Klaus Barbie, responsable de la Gestapo à Lyon (1952) ; Aloïs Brunner, responsable du camp de Drancy (1954).

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Un jugement par contumace a lieu en l’absence de l’accusé.

II) Une justice pour la mémoire

1 ) Le procès d’Eichmann : le « Nuremberg du peuple juif »

Le procès d’Adolf Eichmann, enlevé en Argentine, se déroule en 1961 à Jérusalem. Il constitue un tournant dans l’histoire de la mémoire juive : c’est le premier procès centré exclusivement sur l’extermination des Juifs. Les récits de nombreux témoins, diffusés à la radio et à la télévision, provoquent une prise de conscience mondiale.

En Israël, ce procès renforce les liens entre le pays et la diaspora. En Allemagne, il encourage les autorités à poursuivre les criminels en liberté : des responsables d’Auschwitz (1963-1965) sont jugés à Düsseldorf, et ceux de Majdanek et de la déportation de Juifs de France sont jugés à Cologne (1975-1981).

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La diaspora juive désigne l’ensemble des Juifs vivant hors d’Israël après sa création.

2)  Les derniers procès de la Shoah en Europe

En France, à la fin des années 1960, la mémoire de la Shoah émerge. Grâce à la loi de 1964, rendant le crime contre l’humanité imprescriptible, des procès de criminels nazis et de leurs complices deviennent possibles.

Le procès de Klaus Barbie (dirigeant de la Gestapo à Lyon) se tient en 1987, grâce au combat mené par Serge et Beate Klarsfeld. Pour la première fois en France, un homme est jugé pour crime contre l’humanité. Médiatisé, filmé, ce procès permet de combattre le négationnisme et donne une leçon d’histoire.

Les derniers criminels nazis sont traduits en justice en Allemagne dans les années 2000. Très âgés, ils disparaissent peu à peu. Pourtant, à l’été 2013, le centre Simon-Wiesenthal lance en Allemagne une campagne d’affichage pour débusquer les derniers nazis. Pour Serge Klarsfeld, de tels procès ne sont plus souhaitables.