Est-ce l’intention ou le résultat qui compte ?

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Comment juger le devoir moral ? Selon quel critère l’évaluer ? Pour les uns, la vertu est dans l’intention, et peu importe le résultat. Pour d’autres, l’intention ne suffit pas, et la morale ne peut pas se ­désintéresser des conséquences de nos actions.

I) La vertu est dans l’intention

1 ) Le devoir est désintéressé

Si le devoir est désintéressé, comme le veut Kant, peu importe le résultat. Ainsi, mon devoir est de porter secours à quelqu’un qui se noie. N’écoutant que mon devoir, je plonge et tente de toutes mes forces de le sauver, mais le courant est trop fort, le corps trop lourd… j’échoue. Il reste que j’aurai fait tout mon possible, et je peux considérer que j’ai fait mon devoir.

La valeur morale du devoir ne dépend pas de la réussite ou de l’échec. Elle réside dans l’intention et dans l’effort de la volonté pour réaliser cette intention. Mais l’effort doit réellement accompagner l’intention, sans quoi nous nous contentons d’une bonne conscience, pleine de bonnes intentions mais qui ne fait rien.

2 ) Ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous

Cette distinction stoïcienne réserve à la morale la part de notre action qui ­dépend de nous. Ainsi, la valeur morale de l’action et le devoir purement moral (le katortoma) résident uniquement dans la droiture de la volonté non dans le résultat. Il dépend de l’archer de bien viser, mais atteindre la cible ne dépend pas de lui, car un coup de vent peut détourner la flèche.

Notons que, pour les stoïciens, les biens extérieurs, y compris notre corps, ne dépendent pas de nous, mais du hasard ou du destin. Par conséquent, nous n’avons ni pouvoir ni responsabilité morale sur eux.

II) La vertu est dans les conséquences

1 ) L’éthique objective de Hegel

Hegel reproche à Kant le « formalisme » du devoir abstrait, qui renonce à agir sur le monde extérieur. Cette morale ­abstraite se coupe de l’extériorité et ­s’oppose à la politique et à l’histoire. C’est ce qu’il nomme ironiquement « la belle âme ».

Mot-clé

La belle âme, ou bonne conscience, résume la critique par Hegel de la morale kantienne. Hegel raille le devoir pour le devoir, qui méprise le monde corrompu et qui, pour rester pur, se désintéresse du résultat de son action.

Pour lui, le devoir doit se juger aussi aux résultats objectifs. Ainsi, la morale doit se prolonger dans le droit et la politique, et viser à changer le monde. La liberté doit se réaliser dans l’histoire, et non rester purement subjective et intérieure.

L’intention ne suffit pas, si elle ne se donne pas les moyens de réussir. Le devoir doit accepter de « se salir les mains » par la prise en compte de la réalité extérieure : dans certains cas, la fin justifie les moyens.

2)  L’utilitarisme

L’utilitarisme de Bentham et John Stuart Mill soutient que la valeur morale de ­l’action dépend de son utilité, donc de ses conséquences pour le bonheur de ­l’individu et de la société.

De bonnes intentions peuvent produire des catastrophes. Inversement, on peut faire le bien avec des intentions malhonnêtes, comme le trafiquant qui enrichit son pays, faisant le bien (économique) à un certain niveau.

« Les vices privés font la vertu publique », écrivait Mandeville, signifiant par ces mots que les passions égoïstes favorisent la prospérité de tous. De même, ­Hegel évoque une « ruse de la raison » à propos du rôle moteur des passions immorales, comme l’ambition ou la cupidité, dans le progrès de la liberté en histoire.

On appelle conséquentialistes les doctrines qui jugent de la moralité d’un acte à ses conséquences. Mais ici le risque est grand que « la fin justifie les moyens », ce que refuse la morale.