Beckett, Oh les beaux jours (ancien programme)

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Parcours : Un théâtre de la condition humaine

Le théâtre peut souligner la misère et les faiblesses des hommes en leur présentant le miroir de leur propre condition. Cette tendance se confirme après la Seconde Guerre mondiale dans la dramaturgie renouvelée du « théâtre de l’absurde », dont Beckett est l’un des principaux représentants.

I Connaître l’œuvre

1  L’auteur et le contexte

Le dramaturge Samuel Beckett, d’origine irlandaise, bouleverse le théâtre d’après-guerre : il crée le choc avec En attendant Godot (1953) puis Fin de partie (1957). Oh les beaux jours est jouée en France pour la première fois en 1963.

Repère
À noter

Le théâtre de l’absurde s’affranchit des codes traditionnels du théâtre : le temps, l’espace, les personnages, la parole y sont déstructurés.

Il s’impose comme auteur d’avant-garde et contribue au renouvellement de l’écriture théâtrale. Les thèmes de l’attente, de la déchéance, de la mort et du silence hantent une œuvre centrée sur l’absurdité tragique de l’existence.

2  Résumé de l’œuvre

Acte I. Winnie, une femme d’une cinquantaine d’années, est enlisée jusqu’à la taille dans un mamelon au sein d’un paysage désertique. Son mari Willie, impotent, ne lui accorde guère d’attention : Winnie soliloque, tue le temps en manipulant des objets sortis de son sac, se remémorant difficilement des bribes de son passé et se réjouissant d’un rien malgré sa situation misérable.

Acte II, beaucoup plus court que l’acte I. Désormais, seule la tête de Winnie émerge du sol. De plus en plus seule, elle répète sans cesse les mêmes formules vides, les mêmes gestes, et semble n’avoir aucune perspective, sinon la disparition. Willie tente en vain de se hisser jusqu’à Winnie, qui chante malgré son échec. Les deux personnages se regardent silencieusement tandis que le rideau tombe.

II Comprendre le parcours

1  Le spectacle de la solitude

Winnie et Willie forment un couple asymétrique. Winnie, terrifiée par la solitude, se réjouit de la moindre attention d’un mari très distant, aux interventions grotesques et creuses. La pièce tourne au soliloque : Winnie, face au public, ressasse, se prolonge par le langage : dire, c’est encore exister.

La communication est un échec : l’écriture théâtrale, menacée par le silence, trouée de didascalies, révèle la vacuité du langage et la pauvreté des liens – pourtant indispensables – entre les êtres. Dans la pièce Huis clos, Sartre souligne l’importance démesurée du regard d’autrui pour exister : « L’enfer, c’est les autres. »

Repère
CITATION

« Rien n’est plus drôle que le malheur. » (Nell, dans Fin de partie de Beckett)

Malgré tout, comme le dit Winnie, « la gravité n’est plus ce qu’elle était ». Le théâtre de l’absurde mélange le tragique et la dérision. Le comique devient inquiétant et ne fait paradoxalement que renforcer le vertige existentiel : Winnie s’enfonce en chantant.

2  Le corps au cœur du tragique

Contrairement aux pièces du théâtre classique soumises à la bienséance, le corps occupe le premier plan dans le théâtre de Beckett. La prolifération des didascalies confirme son importance primordiale. La scénographie souligne la précarité de l’existence.

Beckett donne à voir une humanité végétative, physiquement diminuée, engluée dans l’espace qui l’avale et l’écrase. La pièce souligne l’œuvre destructrice du temps. Dans Fin de partie, Hamm est un aveugle paralysé dont les parents vivent dans des poubelles. Dans En attendant Godot, l’attente même est vaine : Godot ne viendra jamais.

L’existence des personnages se réduit à une gesticulation grotesque, à la manipulation rituelle d’objets dérisoires qui révèlent le vide du quotidien : une brosse à dents, une ombrelle, un revolver, une loupe… Dans Les Chaises d’Eugène Ionesco, l’espace scénique crée l’angoisse : il est progressivement envahi par des chaises inoccupées.

Le corps devient le révélateur de la misère de la condition humaine. Très statique, la pièce figure la lutte futile de l’homme qui s’achemine vers la déchéance.