Balzac, Mémoires de deux jeunes mariées

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Mémoires de deux jeunes mariées est publié en 1842 et s'inscrit dans l'objet d'étude du programme de première technologique « Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle ». Le parcours associé est « Raison et sentiments » (voir l’analyse dans les thèmes, partie III).

I. L’auteur et les contextes historique et culturel

1) Éléments de biographie

Balzac naissait à Tours en 1799 dans une famille qui le destinait à devenir notaire. Mais il se tourna très tôt vers l’écriture et rencontra son premier succès en 1829 avec le roman historique Les Chouans. Dès lors, il écrivit deux à trois romans par an afin de mener à bien son projet de devenir l’historien des mœurs de la société française depuis la Révolution. En 1842, il donna à son œuvre le titre générique de la Comédie humaine et l’organise en diverses « Études » : « analytiques », « philosophiques » et de « mœurs », qui se subdivisent en « scènes de la vie privée », « scènes de la vie de province » et « scènes de la vie parisienne ». Balzac écrivit 91 romans (sur les 137 prévus) et mourra d’épuisement à 51 ans.

2) Contextes historiques et culturel

Balzac est né durant le consulat de Bonaparte qui fait suite au Directoire (cinq hommes dirigeant la première république après la Révolution française). En 1804, Napoléon devient empereur et c’est le début du premier Empire. Il abdique en 1814 et la monarchie est rétablie avec Louis XVIII qui remonte sur le trône. Napoléon s’échappe de l’île d’Elbe où il est prisonnier et reprend le pouvoir en mars 1815 (début des Cent-Jours). La défaite de Waterloo le 18 juin 1815 met définitivement fin à l’Empire et Louis XVIII redevient roi. À sa mort en 1824, son frère Charles X lui succède. Ce dernier, trop conservateur, est chassé du pouvoir par la révolution populaire de juillet 1830 et est remplacé par Louis-Philippe, renversé à son tour par la révolution de 1848. La 2e République est alors proclamée et le neveu de Napoléon 1er en est élu président. L’intrigue de La Peau de chagrin débute à la fin du mois d’octobre 1830 à Paris, c’est-à-dire trois mois après la Révolution de juillet (ou Trois Glorieuses).

3) Le réalisme

C’est le mouvement littéraire qui domine le XIXe siècle (Stendhal, Flaubert) dans le roman. Le réalisme balzacien consiste en de longues descriptions des milieux dans lesquels évoluent les personnages (les cadres passent avant les portraits). Les portraits physiques arrivent ainsi dans un deuxième temps et sont également très détaillés. Pour Balzac, les vêtements, le visage et le comportement des personnages révèlent leur caractère. Chaque personnage représente un type psychologique et/ou social : l’avare, le criminel, la femme vertueuse…

II. Le titre

Le mot « Mémoires » au pluriel (attention, ce terme est masculin ici) renvoie à un genre littéraire qui remonte à l’Antiquité et qui désigne le récit d’évènements historiques ou privés auxquels un personnage a participé. Le roman a une forme épistolaire car il consiste en une succession de lettres que les personnages s’écrivent.

III. Structure et résumé de l'œuvre

  • 1re partie (lettres 1 à 47) : Louise de Chaulieu sort du couvent de Blois et retourne chez ses parents à Paris. Son amie Renée de Maucombe, quant à elle, rentre dans sa famille en Provence afin de se marier rapidement avec un voisin. Don Felipe Henarez, noble espagnol condamné à mort dans son pays, est en exil à Paris. Louise s’indigne du mariage précipité de son amie. Cette dernière lui explique qu'elle avait le choix entre le mariage ou le retour au couvent. Louise parle sans cesse de son professeur d’espagnol dans ses lettres à son amie et Renée lui dit de se méfier de lui. Henarez retrouve sa fortune grâce à son frère et commence à faire la cour à Louise. Cette dernière plaint son amie de la platitude de son existence de femme mariée. Renée envie l’existence de Louise. Toutes deux se demandent s’il est préférable de faire un mariage de passion ou de raison. Louise reproche à Felipe d’être trop sûr de lui en amour et lui avoue qu’elle l’aime. Ils se marient, partent en voyage de noces et reviennent à Paris. Renée a son 1er enfant, Armand. Louise mène grand train (fait beaucoup de dépenses) à Paris et profite des plaisirs de la vie. Renée, elle, décrit sa vie de mère tournée vers son enfant. Louise lui rend visite en Provence mais part rapidement car elle est jalouse de son bonheur de mère. Louise et Felipe partent en Italie et Renée attend son 2e enfant. Armand, son 1er enfant, tombe gravement malade mais est sauvé grâce aux soins de sa mère. Louise regrette de ne pas avoir d’enfant. Alors que son mari est élu député à Paris, Renée reste en Provence pour s’occuper des enfants. Felipe meurt brusquement et Renée vient soutenir son amie, désespérée.
  • 2e partie : quatre ans plus tard, Louise se remarie avec un jeune écrivain (Marie Gaston). Ils vivent à la campagne près de Versailles. Louise paie les dettes de son mari sans fortune. Renée attend son 3e enfant et Louise regrette toujours de ne pas en avoir. Croyant son jeune mari infidèle, Louise attrape une pneumonie. Renée court à son chevet pour la détromper mais il est trop tard. Louise reconnaît avoir eu tort en privilégiant la passion sur la raison.

IV. Les thèmes et mots-clés

  • Raison et sentiments (titre du parcours) : Louise incarne le sentiment, la passion qu’elle éprouve successivement pour ses deux maris. Elle reconnaît ne pas être maîtresse d’elle-même avec son deuxième mari, qu’elle épouse malgré son manque de fortune et de situation sociale. Renée, au contraire, incarne la raison : son mariage est arrangé par ses parents et elle l’accepte pour ne pas retourner au couvent. Il s’agit donc bien d’une union de raison où les sentiments n’ont pas leur place. Elle a réfléchi à la meilleure solution pour elle, c’est une femme de tête et non une femme qui fonctionne à l’instinct.
  • Bonheur et plaisir : Renée connaît le bonheur sur le temps long alors que Louise connaît les plaisirs sur de courts moments. Elle meurt jeune comme si la passion l’avait ravagée. En cela, elle connaît une fin digne d’une héroïne de tragédie. Renée se projette dans le futur dès son plus jeune âge et ne vit pas dans les plaisirs de l’instant présent comme Louise. Son bonheur vient, ainsi, de la maternité, du sentiment de faire le bien et non de l’amour passionnel.
  • Le mariage : durant le XIXe siècle, le mariage est un lien juridique et social qui exclut généralement le sentiment amoureux, du moins, dans les milieux bourgeois et aristocratiques. La passion trouvait ainsi à s’épanouir en-dehors du mariage, c’est-à-dire dans des relations extraconjugales. Louise considère ainsi ses deux maris comme des amants qu’elle aime passionnément alors que Renée souligne sans cesse ses devoirs d’épouse et de mère.
  • Condition de la femme au XIXe siècle : pour les jeunes filles de bonne famille, deux choix de vie sont possibles : le mariage ou le couvent. Les femmes pauvres doivent travailler ou se prostituer (cf. Fantine dans Les Misérables) pour survivre. Pour Renée, qui a des convictions religieuses très fortes, le mariage est un idéal social qui permet à une femme de devenir mère. C’est dans ce rôle qu’elle finira par trouver le bonheur. Louise quant à elle, meurt sans enfant en pensant avoir gaspillé sa vie. Le roman permet donc de découvrir ce qu’était la condition féminine à l’époque et de prendre conscience des avancées considérables réalisées depuis, en France.